Table des matières


Les temps anciens

Chapitre premier


Chapitre II


Chapitre III

II - La dernière querelle de 1787 avec la "dame de Mantaille".

Chapitre IV

I - Comment Saint-Marcellin était administré
II - Création d'offices

Chapitre V

I - Les guerres et leur répercussion à Saint-Marcellin
II - Les guerres religieuses et les hauts faits de Maugiron

Chapitre VI

I - La ligue des Vilains
II - Le procès des tailles

Chapitre VII

Saint-Marcellin pendant la Réforme

Chapitre VIII

I - Les siècles XVe et XVIe
II - La peste et les épidémies : 1586, 1630 et 1651
III - La lèpre
IV - Les processions et les pèlerinages

Chapitre IX

I - Misérable XVIIe siècle
II - Le début et la première moitié du XVIIIe siècle
III - Le logement des gens de guerre
IV - Les milices
V - L'établissement de la maréchaussée (1722)
VI - La seconde moitié du XVIIIe siècle

Chapitre X

I - L'hospice de Saint-Marcellin
II - Les maisons religieuses

Chapitre XI

I - L'enseignement primaire
II - L'enseignement secondaire

Chapitre XII

I - Les remparts et les portes de la ville
II - La "place Château-Bayard"
III - Voies "souterraines"
IV - Aspect de la ville au XVIIe et XVIIIe siècles

Chapitre XIII

I - Etat particulier des habitants
II - Revenus, dépenses, impôts
III - Fonctionnement de la justice
IV - Voies d'accès, routes
V - Vieilles maisons en 1746

Le bailliage

Après le «transport» du Dauphiné à la couronne de France, l'administration de la province va être exercée au nom du Dauphin par un gouverneur, nommé par le roi, et assisté d'un Conseil national composé de Dauphinois.
Dès le XIII' siècle, le pays était divisé en bailliages, c'est-à-dire en circonscriptions regroupant un certain nombre de mandements (ou chastellenies) qui existaient déjà depuis le Xl' siècle, et dépendaient des châtelains qui en furent d'abord les seigneurs.
Au début du XIV' siècle, le territoire delphinal se trouvait ainsi réparti en sept bailliages (Grésivaudan, Viennois-La Tour, ViennoisValentinois, Embrunais, Gapençais, Briançonnais, Baronnies) (1).
C'est, d'ailleurs, pendant ce siècle, qu'apparaît dans les actes la dénomination nouvelle de « gouverneur ».
A la tête de chaque bailliage, il y a un bailli ou un vibailli - fonctionnaire à la fois civil et militaire - chargé de l'administration de son district ainsi que de la surveillance des châtelains, tout cela sous l'autorité immédiate du gouverneur. seul représentant permanent du Dauphin dans cette province.
Saint-Marcellin, déjà érigé en commune, aura l'honneur d'être choisi comme chef-lieu de bailliage.
Lagrange assure que les dauphins, étant à Peyrins (près de Romans), y établirent le siège du bailliage qui fut transféré à SaintMarcellin, et fait remonter à cette époque la naissance du style particulier de la Cour majeure du Viennois et Valentinois: Par des lettres du 2 juillet 1333, adressées au juge majeur des appellations et à ses lieutenants, Guigues VIII ordonne d'observer le style ou les usages de la Cour de Peyrins. Ce style est, paraît-il, fort simple: il faut s'en tenir aux conventions !
Quant au choix fait de Saint-Marcellin comme siège de la docte assemblée, Lagrange l'explique par la position centrale du lieu vrai nombril de la province - et par la pureté de l'air qu'on y respire ...
Or, nous savons déjà qu'en 1344, Humbert II, après l'échange avec le pape de Visan contre la ville de Romans, avait fixé dans cette dernière ville la Cour et juridiction du Bas-Viennois, séant jusqu'ici à Saint-Marcellin (2).
Ce fut un précédent fâcheux ... Qui allait donner lieu à cette succession de procès, cette rude bataille qui va se prolonger durant des siècles entre la ville de Romans et nos consuls de Saint-Marcellin, pour s'arracher mutuellement ou conquèrir à tour de rôle le siège présidial de notre bailliage, qu'à juste titre Saint-Marcellin revendiquait pour l'avoir eu comme sa propriété, dès l'origine ...
Le calme régna un moment, cependant, après le transport du Dauphiné au roi de France: les Romanais négligèrent de revendiquer le privilège à nous octroyé, et le siège demeura pratiquement à Saint-Marcellin, «où les practiciens se sont habituez et les parties plaidans accommodées comme un lieu destiné à tenir ledict siège, ensorte que toute la ville consiste audit ·siège sans lequel elle serait totalement ruynée» (arrêt du 17 décembre 1338).
Or, il arriva que vers 1363, François de Parme, juge, ayant perdu un fils à l'époque où la peste noire fit de si grands ravages dans toute la région, conseilla de transférer la Cour de nouveau à Romans; mais quand l'épidémie cessa, cette ville tenta de conserver les juges et le tribunal à son profit, évidemment... Saint-Marcellin résista de son mieux et obtint une ordonnance en sa faveur le 3 juillet 1363, mais au prix de 200 florins d'or. De cette sorte, «les habitants de Saint-Marcellin ont ledict siège à titre onéreux ». Un succès mitigé, mais une victoire quand même.
Voilà donc notre ville pourvue de nouveau du siège présidial si convoité. Sa situation centrale privilégiée par rapport aux autres seigneuries, rendant de ce fait son accès relativement facile, permet à la justice de s'exercer d'une façon moins onéreuse aux justiciables. « Ça été dans le même objet que le siège de toutes les justices subalternes du ressort du bailliage de Saint-Marcellin y établi dès l'origine ». Ce qui est confirmé par le chapitre 18 du style du bail· liage de l'an 1411, homologué par la Cour, où il est rapporté «que les juges, bannerets ou inférieurs exerçoient leurs justices Penes judicaturam dieta curia vel districtum ejusdem ».
Les choses restèrent en l'état jusqu'à Louis XI (3). Dès 1440 - année où il fut appelé à gouverner notre province sur laquelle il régna en fait jusqu'en 1457 - ce dauphin opéra une véritable révo· lution.
Il sut, tout jeune, se faire obéir, commença par défendre aux seigneurs de se faire la guerre et leur interdit tout armement. Très habile administrateur, soucieux de remodeler les institutions existantes, ce roi demandait dès son arrivée dans le Dauphiné, au gouverneur et au Conseil delphinal (par lettres datées de Grenoble du 7 mai 1446), de faire proclamer dans toutes les villes et bourgs du Dauphiné qu'à l'avenir nul n'exerçât les fonctions du notariat s'il n'en était investi, après examen, par le Dauphin ou l'un de ses délégués: cela pour remédier aux abus occasionnés par une multitude de notaires ignorants ou malhonnêtes ... (4).
Puis, par une ordonnance de juillet 1447, au lieu des sept bailliages qui existaient à son arrivée, ce prince découpa le territoire dauphinois en trois circonscriptions, ce qui réduisait la distance séparant les justiciables de l'autorité centrale.
En ce qui a trait au bailliage de Viennois dont nous faisons partie, celui-là comportait trois sièges: Grenoble, Bourgoin et SaintMarcellin.
Inamovible sauf résignation, un vibailli le plus souvent gradué en droit était placé à la tête de chaque siège, jugeant en sa Cour ou présidant les assises des châtellenies (5), soumis en ses sentences à appel au Parlement.
Lorsqu'en juin 1453, Louis XI érigea le Conseil delphinal en Parlement, un mois après (29 juillet), il nomma comme son président François Potier, et attribua à ce chef la même autorité et la même juridiction dans ses terres, qu'avait en France celui de Paris auquel il se conforma autant qu'il lui fut possible.
Ce tribunal siégeant à Grenoble venait au troisième rang parmi les Parlements de France, après ceux de Paris et de Toulouse, qui détenaient la souveraine magistrature du royaume (6).
Mais, ce qui intéresse directement Saint-Marcellin, c'est que Louis conserva à notre ville l'ancienne «Cour du Viennois et Valentinois et des principales appellations du Dauphiné », qu'Humbert II avait installée chez nous, comme l'on sait. Cette Cour majeure en· globait dans son ressort toutes les judicatures de l'arrondissement actuel de Saint-Marcellin, du Royannais en entier, de l'arrondissement de Valence au nord de cette ville (7).
Composée d'un vibailli, d'un lieutenant, de deux conseillers assesseurs, d'un procureur, d;un avocat du Roi, d'un lieutenant-général de police, de seize procureurs et d'un greffier en chef, cette justice, prenant encore de l'extension, comprit alors vingt-sept avocats, quinze procureurs et six notaires. Saint-Marcellin garda le siège présidial dudit bailliage (Bas-Viennois et Valentinois) (8).
Notre étude ne s'avérerait pas complète, si nous ne signalions pas que déjà, devant la réticence du chapitre de Saint-Barnard, de Romans, très orgueilleux de son indépendance, à reconnaître sa suzeraineté envers Louis II, ce dernier avait fait stipuler, dans un acte d'autorité en date du 23 novembre 1450, que «l'appel des causes de la Cour commune de Romans, porté précédemment au pape ou à la Cour romaine, suivant la réserve de Clément VI, le serait à l'avenir au tribunal du bailliage de Saint-Marcellin ».
Or, malgré cette confirmation royale, les habitants de SaintMarcellin se virent menacés de nouveau, en 1501, de perdre leur siège. L'affaire fut portée par ceux de Romans au Parlement de Grenoble, où elle demeura pendante jusqu'en 1511. Reprise alors avec ardeur, la question fut plaidée et les avantages des deux villes mis en parallèle. Et le roi, à la fin, «veues en son privé Conseil les dictes requestes et ouyes les dictes parties» ordonna que ledict siège demeurerait audict Saint-Marcellin, ainsi qu'il a accoustumé» (9).
Les Consuls et habitants de Romans protestèrent contre cette proclamation et l'affaire parut en rester là, alors que dans l'ombre se tramaient des manœuvres occultes dans le but de nous enlever à toute force le siège présidial du Bas-Viennois.
En 1606, puis de 1617 à 1640 surtout, les habitants de SaintMarcellin durent accomplir démarches sur démarches et dépenser moult argent pour contrebalancer l'influence de leurs rivaux, jaloux de leur sunrématie (10).
En 1628, notamment, la lutte devint acharnée. Romans, bien servi à la Cour, fut un moment sur le point de l'emporter, mais les consuls de Saint-Marcellin, suite à un avis reçu de Paris, qui leur fut salutaire, dépêchèrent en hâte au camp de La Rochelle où Louis XIII se trouvait alors, deux députés habiles et influents : MM. Antoine Brenier (11) et Payn du Perron (12) : avec mission d'agir pour le compte de la communauté auprès des conseillers du Roi et de son ministre Richelieu.
Après la reddition de La Rochelle, la Cour étant rentrée à Paris, nos deux députés la suivirent et continuèrent leurs négociations dans la capitale. Là, ils ne tardèrent pas à rencontrer un puissant seigneur qui leur vendit sa protection. Grâce à cette influence, ils réussirent à faire surseoir à l'arrêt qui condamnait leur ville natale. Leur mission avait duré plus de six mois ! Mais Louis XIII, en 1636, soumit au Présidial de Valence, établi par lui cette année, les appels du siège de Saint-Marcellin.
Nos gens qui se crurent tranquilles n'avaient toutefois pas compté que les Romanais fussent aussi tenaces ... Dans un rapport au Roi, après lui avoir exposé de nouveau leurs prétentions, n'imaginèrent-ils pas de prouver que la maiorité des habitants de SaintMarcellin était favorable à leurs projets, mais que la Cour seule mettait empêchement à la translation ...
Le Conseil du Roi, saisi de cette nouvelle requête, s'empressa de demander l'avis des bourgeois de Saint-Marcellin, avant de conclure et tirer cette affaire au clair. Les Consuls, outrés, s'assemblèrent le 22 janvier 1639 et rédigèrent cette réponse:

« L'assemblée des notables, considérant Qu'il n'est versonne dans Saint-Marcellin aui consente à souscrire à cette translation, d'autant plus aue ce serait certainement la ruine et la désolation de la ville, vu au'elle ne subsiste Que par le m01Jen de ce bailliage, a conclu d'emn101Jer tous les amis de la communauté de surmlier le R01I, comme elle le sunnlie. de vouloir bien conserver et maintenir ledit bailliaoe n. Saint-Marcellin. en suite de la donation oui en a été faite par feu Monseianeur le Dauphin Hvmbert en l'an 1343, et des confirmations de ladite rlonation, accordées par les Roys de France, prédécesseurs de sa Maiesté. »

Romans, une fois de plus, perdit son procès à l'avantage de Saint-Marcellin. Mais, dans la suite, presque cent ans après, cette question épineuse du maintien ou non du Tribunal du bailliage en notre ville, donna encore du fil à retordre à noS magistrats saint-marcellinois, toujours inquiets et de nouveau sur le qui-vive!
Cela, par la faute de dissidents dans le mandement, qui oubliaient les termes du certificat de 1609... Voici comment cette nouvelle « affaire» malheureuse prit naissance:
Plusieurs seigneurs engagistes des Terres domaniales et même ceux des terres patrimoniales, avaient transféré leur justice dans d'autres villes de la province, pour des raisons qu'ils estimaient meilleures ou plus avantageuses pour eux? Nous l'ignorons. Ce que l'on sait, c'est que cette innovation malencontreuse produisit le plus fâcheux effet et était un nouvel atout dans le jeu de «ceux de Romans », lesquels risquaient de faire état de cette diversion pour l'exploiter à leur profit en revenant une fois de plus à la charge, désavouant les Saint-Marcellinois ... Et c'est bien ce qui arriva, car cet exemple dangereux qui aurait dû être arrêté dans le Principe, donna lieu à une translation en 1728, «de la justice des Terres de Tullins, polhiénas, Chasselay, Serre et Viriville, qui s'étoit exercée de temps immémoré dans la ville de Saint-Marcellin».
Il fallut donc réagir prestement, sous peine de voir la gangrène s'étendre, notre chauvinisme perdre la face, et nos gens de robe de tout acabit devenir petit à petit des « chômeurs » ...
Or donc, le 8 juillet 1731, nos édiles se rassemblèrent, afin d'examiner la situation ; suite à quoi les consuls dépêchèrent trois de nos meilleurs avocats à Grenoble, auprès du Parlement, pour présenter une requête destinée à remettre la chose en l'état, c'est-à-dire le supplier d'ordonner que la justice dépendant du ressort de notre bailliage ne s'exerçât plus ailleurs que dans la ville de Saint-Marcellin (13).
Cette requête, le 6 septembre 1731 obtint la faveur du Procureur du Roi puisque, le lendemain même, «( ... ) inhibitions et défense3 étaient faites aux juges et autres officiers de faire leurs fonctions hors de ladite ville (Saint-Marcellin), et aux parties de se pourvoir ailleurs, à peine de nullité, cassation des procédures et de l'amende qui seroit déclarée suivant l'exigeance des cas» (14).
Nos magistrats triomphaient une fois de plus et la ville pouvait pavoiser!
Cette décision arrêta toutes translations ultérieures, et dès lors la totalité des justices qui s'exerçaient dans la ville de Saint-Mar cellin avant l'an 1728, ont continué d'y être exercées comme auparavant. Mais, ce que les historiens ignorent, c'est qu'en 1787 la guerre va se réveiller de plus belle ...

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(1) Cf. Gaston Letonnelier, «Histoire du Dauphiné », p. 41. Cette classification peut varier selon les auteurs. B. Bligny, «Histoire du Dauphiné », p. 177, dénombre huit bailliages en 1447, qui furent découpés ainsi: un bailliage de Viennois, avec trois sièges (Grenoble, Bourgoin et Saint-Marcellin); celui des montagnes, qui couvrait le Briançonnais, l'Embrunais, le Gapençais et les Baronnies, avec quatre sièges (Briançon, Embrun, Serres et Buis-les-Baronnies) ; une sénéchaussée du Valentinois et Diois regroupant ceux de Crest, Montélimar, Chalençon, puis de Valence.
L'« Almanach général de Dauphiné» de 1789 donne la répartition suivante pour son époque :
Bailliage de Grésivaudan siégeant à Grenoble;
- de Saint-Marcellin (qui comprenait en outre le duché-paierie d'Hostun), siégeant à Saint-Marcellin; de Viennois, qui siège à Vienne;
- des Baronnies, qui siège à Buis ;
- du Gapençais, siégeant à Gap ;
- du Diois, siégeant à Die.
(2) Voir à chapitre deuxième, III.
(3) Le fils aîné de Charles VII, le dauphin Louis II (né en 1423, mort en 1483), qui régna sur la France de 1461 à 1483 sous le nom de Louis XI, fut mis en possession du Dauphiné comme Dauphin, le 22 juillet 1440. Il n'y vint effectivement qu'en 1446 ; d'après Pilot (l'auteur de son « Itinéraire »), nous constatons sa présence à Saint-Marcellin les 16 octobre 1448, 9 janvier 1450, 15 janvier 1454 et 16 octobre 1455. Louis XI résidait ordinairement à Romans ou à La Côte-Saint-André.
(4) Toutefois, par lettres patentes du 28 juin 1451, Louis XI annonce de Romans -- nécessité faisant loi au moment où régnait la peste! - que, en considération de ce que «en aucuns lieux (du Dauphiné) esquelz règne présentement certaine pestilence d'épidémye, plusieurs meurent sans faire « testament ni disposer de leurs biens, pour ce que par noz ordonnances nagaires faictes sur la réduction et diminution du nombre des notaires de nosditz pays, nulz notaires n'osent recevoir aucuns instruments sunon ceulx qui sont dépputez et ordonnez en chascune chastellenie », il déclare que pendant la durée de la peste et deux mois après sa cessation, les testaments et codicilles des pestiférés pourront être reçus par tous notaires, alors même qu'ils ne seraient pas reconnus par le Dauphin.
(5) Bien que l'institution des châtellenies soit très ancienne (elle date de l'affranchissement des communes), Saint-Marcellin ne fut érigé en «châtellenie » que dans la seconde moitié du XIVe siècle
(6) (Sous les premiers rois, on appelait « Parlements» les assemblées générales où les prélats et les grands de la Monarchie délibéraient de la paix et de la guerre, et des grandes affaires de l'Etat.)
(7) Abbé Luc Mallet-Guy: «Bulletin de l'Académie delphinale », 5' série, t. III.
(8) Cela, jusqu'à la Révolution de 1789 qui supprima comme on sait les bailliages. Jusque là, toutes les judicatures de l'arrondissement actuel de Valence, au nord de l'Isère, celles du Royannais et de notre propre arrondissement ressortissaient en appel au bailliage de Saint-Marcellin.
(9) Lagrange: «Stylus curiœ majoris viennesii ». Cartulaire.
(10) Voir à l'annexe III la supplique de 1609 paraphée par tous les nobles et seigneurs de notre bailliage, adressée au Roi (Henri IV), dans l'es· poir d'apitoyer le souverain sur la «désolation» que connaîtrait la ville de Saint-Marcellin, si la translation se faisait.
(11) Antoine Brenier, né en 1585, mort à Saint-Marcellin le 30 octobre 1653. Praticien, conseiller du Roi, contrôleur de ses dîmes, fut délégué de la communauté de Saint-Marcellin - par délibpration du 9 novembre 1628 pour se rendre à La Rochelle. Il est dit en 1619 : «Monsieur Maître Anthoine Brenier, avocat consistorial près le Parlement de Dauphiné ». En 1606, ce fut son père (prénommé également Antoine) qui fut délégué à Paris par la ville de Saint-Marcellin, pour s'opposer aux entreprises de « ceux de Romans », et qui obtint (provisoirement) gain de cause ...
Antoine Brenier père, né à Saint-Marcellin en 1560, était docteur ès droit. avocat au siège de Saint-Marcellin et ju/!e de Saint-Antoine. Envové en 1587 dans ce bourg pour demander de l'aide contre les nrotestants. Il avait énousé, en 15fl4, Judith de Rue, fille de Me Ennemond de Rue, procureur au siège de Saint-Marcellin et de Jeanne Boisset. (Jl'dith épousa en secondes noces Jean d'Arzag, bourgeois de Saint-Marcellin. Elle mourut en cette ville, le 21 juin 1632.)
(12) D'une famille de notables qui marqua dans l'administration de cette ville. Un Payn du Perron fut également maire de Saint-Marcellin, au XVIII' siècle.
(13) Voir à l'annexe III du présent chapitre, le procès-verbal de ce-réunion du 8 juillet 1731.
(14) Cf. à l'annexe III, à « Requête du 6 septembre 1731 ».

Fin du règne d'Humbert II

La fin du dernier des Dauphins approche.
Ce Prince eut la vie courte mais extrèmement agitée. «C'était un névrosé et un sentimental, atteint de la folie des grandeurs. Par sa monomanie de la richesse, par son goût raffiné des arts et des plaisirs, par l'irréflexion de ses prodigalités, par l'instabilité et la nervosité de son humeur, c'est presque un personnage de légende. D'un caractère volage et inconstant, Humbert, pendant le cours de son règne, ne fit que rendre des ordonnances, les révoquer et les remettre en vigueur, abolir les anciennes chartes, leur en substituer de nouvelles et les rétablir. Il dissipa en présents, fêtes et en fondations religieuses, plus d'argent que ses prédécesseurs n'en avaient consumé dans leurs guerres. Désordonné dans sa dépense, il empruntait de toutes mains, aux usuriers, aux juifs, empruntant même sur gages. Il était continuellement en voyage, promenant son inconstance selon l'humeur ou le besoin du moment. On se demande comment il pouvait concilier une dévotion extérieure, parfois puérile, avec une vie dissolue, et son goût pour les baladins, histrions et musiciens dont il aimait à s'entourer dans le faste de sa Cour de Beauvoir. Aux indemnités versées pour les prêtres insultés et frappés, pour les paysans battus et estropiés, on devine les sorties tumultueuses que devaient faire, après boire, dans la campagne, les seigneurs invités par le prodigue Humbert, et dont rien ne modérait les plaisirs et les violences» (46).
Humbert II fut excommunié par l'archevêque de Vienne - Bertrand de La Chapelle - qui l'accusait de vouloir s'emparer de Romans, jusque-là sous sa juridiction.
Le pape Benoît XII l'excommunia à son tour pour ne pas lui rendre 16.000 florins qu'il lui avait prêtés.
Mais, les finances du Dauphin étaient épuisées et ses revenus ordinaires suffisaient à peine à ses dépenses. Il offrit des terres en paiement, mais le pape voulait de l'or. Avec beaucoup de peine il réunit la somme, et chargea Amblard de Beaumont de la porter à Avignon. Le Dauphin s'y rendit lui-même peu après, mais le SaintPère exigea le retour de la ville de Romans à l'archevêque de Vienne.
Sur ces entrefaites, Benoît XII mourut. Il eut pour successeur Clément VI, archevêque de Rouen. Celui-ci, plus conciliant, leva tou· tes les excommunications.
On doit à Humbert II la fondation de plusieurs maisons religieuses; des lettres signées de lui, datées de Saint-Marcellin, du 16 janvier 1342, accordent aux Frères-Prêcheurs du couvent de Grenoble, la jouissance des revenus du péage grenoblois jusqu'à l'entier achèvement de leur église et de leur dortoir.
Puis, le 23 décembre de cette même année 1342, il fonde un monastère de l'Ordre de Saint-Dominique à Montfleury, pour quatrevingt religieuses, deux autres de filles de Sainte-Claire à Grenoble et à Izeron, en l'honneur de Saint-Louis d'Anjou, dont la mémoire lui était en vénération (47). (Il avait formé le dessein d'établir ledit monastère à Saint-Lattier, tout d'abord, mais préféra Izeron finalement.)
Le 17 juin 1343, il fonda, à Beauvoir, le couvent qui lui tenait assurément le plus au cœur: celui des Carmes, prévu pour soixante religieux, ensuite celui de Saint-Marcellin, dont nous allons donner tous détails dans la suite (48).
Humbert II projette encore, en 1344, de fonder un monastère placé sous la règle de Saint-Augustin et comprenant treize religieux, qui doit être établi à Claix (c'est-à-dire Saint-Just-de-Claix); le Frère Marin de Lucques en est nommé prieur.
Indépendamment de ce que coûtèrent, au Dauphin, ces ruineuses fondations de couvents et de monastères, des actes locaux témoignent de dépenses dûes à sa générosité proverbiale, telles par exemple ces «100 livres de rente assises sur les gabelles de SaintMarcellin, aècordées à Geoffroy de Charny, chevalier, dont il avait reçu l'hommage » ... Et cette autre, du 19 janvier 1342, à Saint-Marcellin, de la «cession qu'il fit à Falque de Montchenu, de 50 livres de revenu sur le péage de la Roche-de-Glun, en paiement d'une dette de 1.000 florins qu'il avait acquittée pour le compte et après la mort de Guillaume de Poitiers, seigneur de Clérieu. » (Arch. Isère, B 4029.)

Ayant épuisé son trésor, Humbert partit pour la croisade (1345- 1347), à la tête d'une petite armée comprenant quelques centaines de prêtres et de religieux, accompagné de son épouse Marie des Baux qui, ayant toujours vécu avec lui dans une forte union, ne put se résoudre à s'en séparer, malgré les périls où la jeune femme allait s'exposer.
La mère d'Humbert - Béatrix de Hongrie - allait s'enfermer dans l'abbaye de Saint-Just-de-Claix où elle finit ses jours, en 1354.
Cette croisade fut désespérante, et quasi un échec. Marie des Baux mourut à Rhodes, à la fin de mars 1347. Dans le dernier testament du Dauphin fait à Clermont (1355), il donna 7.000 florins aux Cordeliers de Marseille pour transférer le corps de son épouse dans leur église dédiée à Saint-Louis.
Rentré en France après une absence de deux ans et après moult péripéties, Humbert II allait s'employer à négocier défmitivement le «transport» du Dauphiné au Roi de France.
Pendant ses longues absences - comme par exemple en 1345 Humbert II confiait le gouvernement et l'administration du Dauphiné à HenrI de Villars, évêque de Viviers, qui devint archevêque de Lyon. Il était établi «lieutenant général» du Dauphin (49).
Seul désormais - son fils André et sa femme étant morts Humbert ne pensa plus qu'à entrer au couvent, après avoir remis solennellement à Lyon, le 16 juillet 1349, le Dauphiné au futur roi de France (50). Il prit la robe des Dominicains ou Frères-Prêcheurs.
En décembre 1350, il quitte Beauvoir-en-Royans, abandonnant le Dauphiné pour toujours. A son passage à Romans, il fait en public un sermon contre l'indécence des femmes qui portaient des capuchons semblables à ceux des hommes ... Il arrive à Avignon, et le jour de Noël, dans l'intervalle de trois messes, le pape lui confère les trois ordres religieux, le sous-diaconat, le diaconat et la prêtrise, et immédiatement Humbert dit sa première messe.
Huit jours après, il est nommé patriarche d'Alexandrie; puis, en 1352, administrateur perpétuel de l'archevêché de Reims, devenu vacant par la mort de son titulaire, Hugues d'Arcy.
En 1355, il quitte Paris pour presser le pape Innocent VI de ratifier son changement de l'église de Reims à celle de Paris. D'une santé chancelante, il meurt lors de son passage à Clermont-Ferrand, le 22 mai 1355, à l'âge de quarante-trois ans.
C'est ainsi que finit Humbert II - à qui notre ville doit tant et qui fut inhumé dans le couvent des Dominicains de Paris, monastère dont il fut aussi le prieur.

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(45) La famille Boffin est connue depuis Romanet Boffin, «marchand de Romans ». Il fit ériger en 1517 le Calvaire de Romans et devmt consul en 1525. Son petit-fils, Phélicien II de Boffin, seigneur d'Argenson, avocat général au Parlement de Grenoble, acheta la terre de La Sôn(O en 1619 à Horace du Rivail, petit-fils d'Aymar, l'auteur du «De allobrogibus» (dom nous parlerons longuement dans la suite).
Aymar Phélicien de Boffin, descendant du marchand de Romans. né à Grenoble le 9 juin 1700, brigadier des armées du Roy, commandeur de SaintLouis, époux de Marie-Anne Mouffle de la Thuilerie. fit ériger en marquisat la terre de La Sône, vers 1732. Mort à Paris, place Vendôme, le 8 mai 1771. (Renseignements communiqués par André Doyon, historiographe de cette famille noble.)
Armoiries des de Baffin: «D'or au bœuf passant de gueules; au chef d'azur chargé de trois croix du calvaire, en potences, d'or ».
Leur devise: «Dea Regi, Patrice, pietas et fides» (A Dieu, au Roi, à la Patrie, piété et foi). (46) D'après P. Berret : «Le Dauphiné », et quelques notes manuscrites.
(47) Louis d'Anjou, oncle de Béatrix de Hongrie, entra en religion et fut mis au nombre des saints en 1316 par le pape Jean XXII. Humbert avait une grande dévotion pour son grand-oncle, qui avait été inhumé dans l'église des Cordeliers de Marseille, où il avait pris l'habit de Saint-François.
(48) Voir chapitre X-II (10), à «Maisons religieuses ».
(49) En l'absence de son seigneur, Henri de Villars fut un bon administrateur. Il fit montre d'autorité et, pour n'en citer qu'un exemple, signalons ce projet d'ordonnance comminatoire, qu'il adressa en 1346 au châtelain de Saint-Marcellin ainsi qu'à ceux du mandement, rendu contre les sires de Châteauneuf et de Vinay, qui avaient levé des troupes, bâti des châteauxforts et marchaient l'un contre l'autre. Après leur avoir rappelé les termes d'un accord précédemment imposé par Humbert II aux deux belligérants, et par lequel il leur était défendu d'élever de nouvelles maisons-fortes dans les mandements de Vinay, Vatilieu, Châteauneuf, Saint-Quentin, l'Albenc, Armieux· et Nerpol, le lieutenant général H. de Villars prescrit au bailli du Viennois et aux châtelains de Saint-Marcellin, Chevrières, Saint-Etienne, Roy· bon, Izeaux, Rives, Beaucroissant, Réaumont, Moirans, Saint-Nazaire, Beauvoir-en-Royans et Izeron, «que si dans un délai de huit jours les maisonsfortes nouvellement construites ne sont pas rasées, leur fait injonction de réunir toutes leurs forces et d'aller les démolir, de telle sorte qu'on ne puisse les reconstruire ».
(50) Charles de Normandie (1337-1380), qui devint roi sous le nom de Charles V, dit «le Sage », en 1364.

Charte d'Humbert II

Charte d'Humbert II (des libertés, franchises et privilèges concédés aux habitants de Saint-Marcellin, par luimême et par les Rois et Dauphins de France qui lui succédèrent).

Or donc, le 4 juillet 1343, le dauphin Humbert II descendit de Beauvoir avec toute sa cour, pour se rendre à Saint-Marcellin à la demande des habitants. Il logera dans la maison de Hugues de ChâIons (Cabillionis) (21).
Assisté des notables et habitants présents - dont l'acte qui va suivre porte les signatures - Nicollet de Crémieu, secrétaire d'Hum· bert, rédigea cette charte dont voici la teneur :
"Au nom de Notre Seigneur, sachent tous présents et à venir par la présente charte, que l'an mil trois cent quarante-trois et le qua· trième jour du mois de juillet, Notre Saint Père Clément, sixième du nom, par la Providence de Dieu étant pape, et la seconde année de son pontificat (22), très illustre Prince Monseigneur Humbert Dauphin du Viennois, fils d'heureuse mémoire de Monseigneur Jean (23) Dauphin du Viennois, en présence de moi Nicollet de Crémieu (24), par autorité apostolique et impériale, du Roi de France et de Monseigneur le Dauphin, Notaire public, a de son bon gré, ayant le tout bien considéré, concédé aux habitants de Saint-Marcellin les privilèges qui suivent, en raison de l'amitié que porte Mondit Seigneur aux personnes dudit lieu et des services qui lui ont été rendus par ces mêmes personnes;

Considérant d'ailleurs qu'il importe que Saint-Marcellin puisse plus facilement se peupler;

A ces causes, Monseigneur le Dauphin agissant pour lui et ses héritiers et successeurs quelconques, déclare francs et libres les habitants du lieu et paroisse de Saint-Marcellin, ainsi que leurs serviteurs et domestiques et leur postérité, sous les conditions suivantes:

Premièrement, Monseigneur Humbert Dauphin a donné, concédé et accordé, donne, concède et accorde aux personnes et habitants présents et à venir du lieu de Saint-Marcellin, quel que soit leur sexe, à leurs serviteurs et à leur postérité, et pareillement à moi notaire, stipulant solennellement en leur nom comme personne publique, telles et semblables libertés, franchises et immunités, telles et semblables prérogatives, privilèges et indulgences qu'ont les hommes et habitants du lieu et châtellenie de Saint-Etienne-de-SaintGeoirs, dans le diocèse de Vienne (25).

Voulant et ordonnant que les habitants de Saint-Marcellin jouissent désormais des mêmes libertés, franchises et immunités que ceux du lieu et châtellenie de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, et que chaque chapitre de la charte Stéphanoise soit fidèlement copié dans le présent écrit :
Monseigneur Humbert Dauphin, agissant pour lui et ses héritiers ou successeurs quelconques, donne, concède et accorde aux susdits habitants et à moi Notaire public les libertés et immunités qui suivent:
Premièrement: Tous les habitants présents et à venir du lieu de Saint-Marcellin et des« termes» (limites) seront dorénavant bourgeois de ce pays et appelés ainsi (26).
Item (27) : Lesdits bourgeois pourront librement choisir chaque année parmi eux quatre Syndics, Consuls ou Procureurs, dont un portera le nom de châtelain, et aura un substitut appelé lieutenant de châtellenie, si cela est nécessaire. Les syndics et consuls, élus par les bourgeois de Saint-Marcellin prêteront serment sur les saints Evangiles et jureront, en présence des bourgeois, de défendre et de conserver les avantages de Saint-Marcellin et de bien administrer les affaires dudit lieu. Il sera donné aux syndics, consuls et procureurs, et à chacun d'eux toutes les années, pour leur peine et vacation, cent sous (monnaie Viennoise courante), aux dépens de la communauté (28).
Item: Lesdits syndics, consuls et procureurs, avec l'avis du Conseil et le consentement des autres habitants du dit lieu, auront le pouvoir de recevoir gratuitement au nombre des bourgeois de SaintMarcellin tout étranger de n'importe quelle condition, qui viendra se fixer dans cette ville. Toutefois, ceux qui désireront demeurer dans ce pays seront tenus d'y acheter une maison d'habitation. De plus, les étrangers seront obligés de rendre hommage très-haut et très puissant Monseigneur le Dauphin ou à son châtelain, et de jurer qu'ils observeront rigoureusement les règles contenues dans le présent écrit. Ils seront tenus en outre de contribuer aux tailles communes, vingtain et autres charges et impositions qui devront être supportées par ledit lieu. A ces conditions seulement, ils jouiront des libertés concédées dans le présent acte.
Item: Les habitants de Saint-Marcellin pourront avoir dans ce lieu un four banal, pour y faire cuire leur pain et de la nourriture, suivant leur volonté.
Item: D'après une décision de Monseigneur le Dauphin, la grande Cour, la Cour des principales appellations du Dauphin et celle des Comptes sont établies dans Saint-Marcellin. En conséquence, les juges desdites Cours, les procureurs, les notaires publics, les maîtres rationaux, les auditeurs des comptes et le procureur du Viennois seront obligés de résider dans cette ville. Néanmoins Mondit Seigneur le Dauphin se réserve la faculté de créer un siège judiciaire dans sa terre de La Tour-du-Pin.
Item: Les bourgeois de Saint-Marcellin auront à payer le vingtain et un autre impôt à leurs officiers, pour en employer le produit dans la construction des murailles de la ville, jusqu'à ce que SaintMarcellin soit entièrement environné de murs et de fossés (29). Ces fossés auront quarante pieds de largeur et de profondeur et seront remplis d'eau. Ils appartiendront ainsi que leurs francs bords à Monseigneur le Dauphin et à ses héritiers et successeurs. Ils seront commencés avant la prochaine fête de Saint-Michel. Pour subvenir à la dépense, Monseigneur le Dauphin donne et accorde aux bons habi· tants de Saint-Marcellin toutes les cences et rentes de son château de Cap1'iliarum (30), pendant trois années consécutives, ou la valeur de ces rentes en argent comptant.
Item: Lesdits habitants de Saint-Marcellin doivent à Monseigneur le Dauphin et à ses héritiers, suivant les besoins du temps, le service militaire pendant huit jours continus et complets, chaque année, à leurs dépens, à la charge toutefois que Mondit Prince Dauphin de les congédier après ce laps de temps. Si le congé leur fait défaut, les bourgeois pourront se retirer sans représentation ni punition quelconque.
Item: Lesdits bourgeois et leurs successeurs pourront désormais couper du bois à bâtir et du bois de chauffage dans la forêt de Chambarand, qui appartient à Monseigneur, sans toutefois porter préjudice aux droits des autres communautés (31).
Item: Les habitants de Saint-Marcellin et leurs héritiers payeront seulement la moitié de la subvention annuelle accordée aux prêtres de ladite paroisse.
Item: Les bourgeois de Saint-Marcellin et leurs héritiers pourront désormais transporter dans cette ville, au moyen de chariots, du sel et du vin sans payer péage et gabelles, leydes, droits d'entrée, de sortie et autres droits. Toutefois, ces mêmes impôts seront payés, suivant la coutume, par les habitants de Saint-Marcellin, dans les autres localités, et le produit de ces droits seigneuriaux appartiendra soit à Monseigneur le Dauphin et à ses héritiers, soit à ceux et à celles qui auron( pouvoir et puissance d'en exiger le paiement (32). Par exception, il sera permis à tout habitant de Saint-Marcellin de transporter où bon lui semblera un quartaI de se! ou un barraI de vin, sans payer aucune espèce de droit.
Item: Quiconque blasphèmera le saint nom de Dieu ou celui de la bienheureuse Vierge Marie payera, chaque fois, à Mondit Seigneur Dauphin, la somme de douze deniers. Celui qui jurera, étant requis de dire la vérité, sera laissé à la discrétion des juges.
Item: Le lieu de Saint-Marcellin, ni par titre, ni par prescription, ne pourra jamais être séparé du Dauphiné. Monseigneur le Dauphin et ses successeurs légitimes seront toujours seigneurs absolus dudit lieu.
Item: Les héritiers et successeurs légitimes de Monseigneur le Dauphin seront tenus, à l'époque de leur avènement au pouvoi.r, et à la première réquisition des consuls et syndics de Saint-Marcellin, de promettre sous la foi du serment, qu'ils observeront inviolablement les susdites franchises. libertés et immunités. Néanmoins les bourgeois de cette ville seront obligés, avant cela, de rendre hommage à tout Dauphin nouveau, et de prêter serment de fidélité.
Item: Par ordre de Monseigneur le Dauphin, le ban de vin du mois d'août est aboli (33), c'est-a-dire que chacun des bourgeois de Saint-Marcellin pourra, au mois d'août, vendre ou acheter du vin, tant en gros qu'en détail. Toutefois, Mondit Seigneur Dauphin s'est réservé le droit seigneurial de douze deniers Viennois par charge de vin qui se vendra dans ledit lieu, soit en gros, soit en détail.
Item: Les bourgeois et habitants de ladite ville et leurs suc·· cesseurs pourront, dans tout le Dauphiné, réclamer le bénéfice desdites libertés, qu'ils voyagent pour leur commerce ou leur agrément S'ils viennent à se rendre coupables d'un crime, dans n'importe quel lieu du Dauphiné, ils seront jugés suivant leurs lois spéciales (34).
Item: Monseigneur Humbert Dauphin s'est réservé le droit: d'acheter, à Saint-Marcellin, un certain nombre de sétérées (35) de terrain pour y construire un château (36). L'emplacement de cette demeure seigneuriale sera ultérieurement fixé. Les propriétaires de cet emplacement seront payés d'après l'expertise faite par deux hommes prudents et honorables. Cette estimation du terrain sera faite sur les bases suivantes: à raison de chaque parcelle de terre ayant une largeur de quatre toises (37) et une longueur de six toises, on donnera au propriétaire dépossédé un quartal et un florin (monnaie courante) (38).
Item: Derrière la maison Lebourguignon, près de la demeure de Ponson Marcellat et tout autour de la halle de Saint-Marcellin, unf' grande place carrée sera ouverte, à laquelle aboutiront toutes les rues dudit lieu. Aux environs de la hane résideront les marchands drapiers, et chaussetiers, et les maîtres apothicaires (39).
Monseigneur Humbert Dauphin, agissant pour lui et ses héritiers et successeurs quelconques, promet aux bons habitants de SaintMarcellin et à moi notaire public, stipulant solennellement en leur nom, de maintenir intactes et inviolables les libertés contenues dans le présent acte.
Tout individu, quels que soient ses titres et qualités, qui se permettra de porter atteinte directement ou indirectement, publiquement ou d'une manière occulte, aux privilèges énumérés dans cette charte, sera sévèrement puni. Ses actes seront anéantis. Et cela, parce que Monseigneur le Dauphin veut et ordonne que les franchises par lui concédées soient respectées par tous, et que, d'ailleurs, les privilèges ne doivent jamais être diminués, mais augmentés et amplifiés.
Voici les limites de la communauté de Saint-Marcellin qui, seule, jouira des libertés ci-dessus indiquées:
A savoir le long d'un trait d'une arbalette par delà les Ormes de Saint-Marcellin tout droit jusqu'au Molard ou au lieudit «le Molard », c'est-à-dire la maison du Molard située et colloquée dans ladite franchise. Et dudit Molard, en visant droit, jusques au moulin de Jo (Joud) entre deux ormes situés dans le chemin qui tend à la maison dite de Le Pépin (ou Laubépin). Et dudit moulin de Jo à la maison de Alouyse située ici. Et de ladite maison jusques à la grange de Grollier, ladite grange enclose dans ladite franchise. Et de ladite grange jusques à la Solée (Saulaie), qui est au champ de Guigonnet Tardy. Et de ladite Solée jusques au dit lieu par delà les deux premiers ormes susdits suivant le trait d'une arbalette.
Ont signé le présent acte devant moi notaire public, les hommes et bourgeois du lieu de Saint-Marcellin dont les noms suivent:
Jean Cardun, Reynaud Rosset, Romanet de L'Hoste, André d'Ambérieu, Jean Grollier, Jean de Bourgoin, Guillaume Gavin, Michoudais, Hugon, Lanthelme, Galion, Jacques de Vothier, Ponson Marcellat, Bernard du Bâtier, Jean Gavin, Michel Fabre, Pierre Bourguignon, Guillaume de Lans, François de l'Orme, Jean Giraud, Antoine Rousset, Jean Chabert, Jean Ribot, Pierre Michal, Bertrand Gay, Michel Pépin, Martin de Lemps, Denisot Proby et Jean Pauthier.
Tous les bourgeois de Saint-Marcellin qui ont signé le présent acte, se sont rendus en présence de Monseigneur le Dauphin et agenouillés devant Lui, Monseigneur leur a donné à baiser successive .. ment sa main et son anneau secret; puis ils ont juré, sur les saints Evangiles, qu'ils lui seraient désormais fidèles ainsi qu'à ses suc' cesseu,rs.
Après cela, les habitants de Saint-Marcellin ont élu et nommé d'un commun accord les syndics, consuls et procureurs dudit lieu et communauté pour l'année courante, sçavoir: Jean Grollier, Ponson Marcellat, Romanet de L'Hoste, et André d'Ambérieu, lesquels ont promis de bien gérer les affaires de la communauté.
Fait l'an et jour que dessus par moi Notaire public, dans le susdit lieu de Saint-Marcellin et dans la maison de Hugon de Chalon (Cabillionis) et en présence de nobles et vénérables personnes, Messires: Pierre de Cadenet, Conseiller et Ambassadeur du roi de Sicile (40) ; Anselme d'Eynard; Rodolphe de Chevrières; De Romans; François de Cagne, seigneur de Montléan; Pierre Henrard de Chabert (Caberso); Guillaume de Charmes (Chamena); Dominique de Couraud; Vaginon de Simiane; Pierre de Lagnieu; Henri Garin; De La Tour; Jean Matha, de Grenoble, clerc et secrétaire de Monseigneur le Dauphin, appelés par moi notaire public, pour se souve-nir de ce qui est écrit dans cet acte.

Signé: Nicolet, de Crémieu."


ACTE ADDITIONNEL

"L'an et pontificat que dessus et le quatorzième jour du susdit mois de juillet, en présence de moi Notaire public, Monseigneur Humbert Dauphin désirant gratifier plus largement les habitants présents et à venir du lieu et communauté de Saint-Marcellin, a déclaré qu'il concédait aux susdits habitants et à leurs successeurs les nouveaux privilèges qui suivent:
Premièrement: Tous les bourgeois et leurs héritiers pourront à l'avenir apporter ou faire apporter, quand bon leur semblera, dans ledit lieu de Saint-Marcellin, toutes denrées ou marchandises, librement et sans payer aucun péage, huictain commun, ni aucune leyde, entrée ou sortie, ou autre impôt en usage. Toutefois lesdits habitants ne pourront exporter des vivres ou denrées dans les autres localités sans se soumettre aux droits et impôts en vigueur. Néanmoins, ils pourront exporter du vin et des marchandises destinées à la vente en détail; jusqu'à concurrence de la somme de vingt sous Viennois sans payer aUCun tribut.
Au surplus, bien que Monseigneur le Dauphin nous ait ordonné de transcrire dans le présent acte de la charte des franchises, libertés et immunités des habitants du lieu et châtellenie de Saint·Etiennede-Saint-Geoirs, néanmoins, Monseigneur ayant examiné avec attention la Charte stéphanoise, et l'ayant trouvée rédigée en bonne forme et signée par Etienne Villabois, par autorité et ordonnance impériale notaire public, a déclaré et déclare aux habitants de Saint· Marcellin et à moi notaire stipulant solennellement en leur nom que les libertés des bourgeois de Saint-Etienne seront également les leurs, bien qu'elles ne soient pas entièrement insérées dans le présent acte.
En premier lieu, Monseigneur le Dauphin, agissant en son nom et au nom de ses héritiers légitimes, déclare que les bourgeois de la communauté de Saint-Marcellin seront désormais exempts de la taille.
Item: Les biens et possessions des habitants présents et à venir dudit lieu, qui mourront «ab intestat» et sans laisser d'enfant, seront donnés sans aucun empêchement aux plus proches parents des défunts. Si, au contraire un habitant de Saint-Marcellin vient à mourir en laissant un testament, Monseigneur le Dauphin veut que ces dispositions testamentaires sortent leur plein et entier effet et soient inviolablement observées.
Item: Si quelqu'un essaye de blesser avec une épée un bourgeois de Saint-Marcellin., l'amende pour le délinquant sera de trente sous (monnaie courante). Si cette tentative criminelle a eu lieu au préjudice d'un étranger, l'amende sera seulement de quinze sous.
Item: Tout individu qui aura gravement blessé un habitant de Saint-Marcellin sans qu'il soit résulté une fracture d'un membre, payera une amende de soixante sous, et de trente sous seulement s'il s'agit d'un étranger.
Item: Si un membre de la victime a été coupé, le coupable payera une amende de vingt livres ou de dix, suivant que le crime aura été commis au préjudice d'un bourgeois de Saint-Marcellin ou d'un étranger.
Item: Si la blessure est mortelle et que mort s' ensui.ve, le coupable sera puni suivant la rigueur des lois.
Item: Si quelqu'un a frappé d'un coup de poing un habitant de Saint-Marcellin, l'amende sera de cinq sous pour le délinquant. S'il s'agit d'un soufflet, l'amende sera de dix sous. S'il y a eu effusion de sang, l'amende sera de trente sous. Si l'offensé vient à mourir, le coupable sera puni suivant le droit commun.
Item: Si un marchand de vin ou d'huile de Saint-Marcellin est conv(Jincu d'avoir employé une fausse mesure, il payera une amende de sept sous. Tout détenteur d'un faux poids payera une amende de trente sous.
Item: Quiconque aura commis un vol sera puni selon la rigueur des lois.
Item: Si deux personnes mariées sont prises en flagrant déli,t d'adultère, chacune d'elles payera une amende de trente sous. Les individus coupables de viol ou d'inceste seront punis suivant le droit commun.
Item: Tout individu qui prêtera un faux serment payera une amende de dix sous Viennois.
Item: Toute personne qui aura injurié un habitant de SaintMarcellin payera une amende de trois sous, si l'offensé se plaint par devant la Cour.
Item: Monseigneur le Dauphin, agissant en son nom et au nom de ses successeurs, promet de défendre et de prendre sous sa protection ses fidèles sujets, les habitants de Saint-Marcellin présent et à venir, et les étrangers fixés dans ladite ville depuis un an et un jour et ayant prêté serment de fidélité et d'obéissance.
Item: Les frais des procès qui seront jugés par la Cour sont limités de la manière suivante: la Cour est autorisée à prélever une somme estimée; cette somme sera payée par la partie condamnée. Si les frais du procès sont compensés, chaque plaideur en payera la moitié. S'il s'agit d'une affaire jugée sommairement, et sans écrit, les frais s'élèveront seulement à six deniers par livre de la chose en litige préalablement estimée. Si la partie condamnée prétend qu'elle ne peut pas payer les frais du procès, elle sera punie corporellement, suivant l'avis et jugement de la Cour.
Item: Monseigneur le Dauphin s'interdit désormais toute réquisition de vivres pour ses hommes et de fourrage pour ses chevaux, dans toute l'étendue du territoire de la ville de Saint-Marcellin.
Item: Monseigneur le Dauphin concède aux bourgeoi;; de sa bonne ville le droit d'aliéner leurs biens et possessions sans son consentement, en ayant soin de payer toutefois le treizième denier à son châtelain pour droits d'achat de vente.
Item: Monseigneur le Dauphin s'engage à faire accompagner et à protéger pendant trois jours et trois nuits tout habitant de SaintMarcellin qui voudrait se faire transporter avec ses biens dans un autre lieu.
Item: Quelques grandes que soient ses dettes et obligations, aucun habitant dudit lieu ne pourra être contraint par corps. En outre, il est absolument interdit aux créanciers de faire saisir les vêtements les meubles nécessaires, les bœufs et les instruments aratoires ou autres de leurs débiteurs.
Item: Aucun délinquant ne sera arrêté ou détenu dans ladite ville, à moins que son crime ne soit de nature à entraîner des peines corporelles.
Item: Monseigneur le Dauphin concède auxdits habitants le droit de pêcher dans toutes les rivières qui arrosent leur territoire, excepté dans les fossés de la ville, dans lesquels Monseigneur s'est réservé la faculté de pêcher (41).
Item: Monseigneur accorde encore aux bourgeois de SaintMarcellin le droit de chasser librement dans le territoire dudit lieu, à condition néanmoins de remettre à son châtelain un quart de la bête prise ou tuée, en supposant que ce soit un cerf, un sanglier ou un chevreuil. Toutefois lesdits bourgeois ne pourront chasser aux perdrix et aux faisans, que l'on ne peut prendre qu'avec l'oiseau (42). Ils ne pourront pas non plus se livrer à la chasse dans toute l'étendue des garennes seigneuriales de lapins ou autres animaux sauvages.
Item: Les habitants de Saint-Marcellin auront à choisir chaque année, parmi eux, un homme qui, dans les occasiO'l1,'s solennelles, portera la bannière de la communauté. Cet élu sera présenté au châtelain, lequel confirmera sa nomination, s'il le juge convenable.
Item: Le porteur de la bannière recevra à titre d'indemnité., pour chacune de ses vacations, la somme de deux deniers s'il ne sort pas de la ville, et celle de six deniers dans les autres cas.
Item: Le châtelain dudit lieu (de Saint-Marcellin), la Cour majeure de judicature de Vienne, le juge des appellations ainsi que ses officiers et justiciers devront désormais s'établir dans la ville de Saint-Marcellin. Tous les juges nouvellement arrivés à Saint-Marcellin jureront sur les saints Evangiles d'observer inviolablement toutes les libertés, franchises et immunités, contenues dans le présent acte.
Si la présente charte donne lieu à quelque difficulté d'interprétation, la question litigieuse sera résolue par Monseigneur le Dauphin ou par ses successeurs.
Si quelqu'un porte atteinte aux libertés ci-dessus indiquées, qu'il soit sévèrement puni. Si le coupable évite le châtiment qui lui est réservé, qu'il encoure l'ire (la colère) et l'indignation de Dieu, de la bénite Vierge Marie, de tous les saints et la sienne (celle du Dauphin).
Par la teneur de cet acte, Monseigneur Humbert Dauphin ordonne à tous présents et à venir, barons, vassaux et sujets, baillis, juges, châtelains et officiers municipaux d'observer et de faire main .. tenir les libertés, franchises et statuts des habitants de sa bonne ville de Saint-Marcellin.
Monseigneur le Dauphin commande en outre que des grosses ou expéditions du présent acte soient données à tous ceux des bourgeois de Saint-Marcellin qui en désireront.
Fait dans ledit lieu, l'an, jour et pontificat que dessus, par moi, Notaire public, en présence de nobles personnes: Pierre de Cadenet, Conseiller et Ambassadeur du roi de Sicile; Dragonnet de Châsteauneuf ; Guillaume de Chamena; Dom. de Couraud, écuyer; Vaginon de Simiane; Pierre de Lagnieu, et plusieurs autres témoins dignes de foi appelés par moi Notaire pour se souvenir de ce qui est écrit dans la présente charte.
Signé: Nicolet, de Crémieu."


AUTRE ACTE ADDITIONNEL

"Le dix-septième jour du mois de juillet de la présente année, Monseigneur le Dauphin a décrété que tout individu qui blesserait gravement un habitant de Saint-Marcellin ou qui lui briserait un membre serait puni suivant le droit commun.
Nous Humbert du Viennois, pour attester à tous présents et à venir la vérité des choses ci-dessus écrites, avons voulu sceller dE' Notre grand sceau la charte des libertés des bons habitants de SaintMarcellin (43) (44)."
Malgré les avantages, apparemment fort appréciables, qu'apportait aux «bourgeois» de Saint-Marcellin le statut delphinal qu'on vient de lire, la ville, toutefois, demeurait soumise à certains droits féodaux.
Dès l'année 1308, le dauphin Jean II avait fait don au seigneur de La Sône du moulin de Saint-Marcellin - sis à l'époque au «vieux faubourg» - ainsi que des privilèges qui y étaient attachés.
Le droit de mouture s'élevait à 24 pour cent, plus une livre pour cent pour le déchet.
Un siècle après, une transaction datée du 28 juillet 1408 avait lieu entre les consuls de Saint-Marcellin, André Leuczon et François I<'illon, le commandeur de Saint-Paul, de l'Ordre de Saint-Jean-deJérusalem, et noble homme Aymon Roger, propriétaire des moulins de Saint-Marcellin, pour le détournement des eaux de la rivière «de Cumana », qui menaçait les remparts et la tour de Saint-Marcellin.
Guillaume de l'Aire, passant à Saint-Marcellin, s'était rendu compte du péril que courait la ville par suite du débordement de la Cumane; aussi avait-il délégué Jean Legendre, conseiller delphinal, pour prendre les mesures nécessaires. Celui-ci ayant fait intervenir le possesseur des moulins et le Commandeur de Saint-Paul, du fief duquel ils relevaient les consuls de Saint-Marcellin s'engagèrent à payer à Aymon Roger une indemnité de 80 florins, pour le déplacement de son moulin. (Arch. Isère, B 3471.)
Cela prouve que l'exploitation des moulins de Saint-Marcellin n'alla pas toujours sans difficultés, dans l'ancien temps. Une autre transaction du 2 novembre 1598 entre noble Louis du Vache, conseiller au Parlement et noble Claude de La Porte, seigneur de l'Arthaudière, mit fin à une querelle les opposant au sujet des eaux du ruisseau de Cumane - encore elle! - et des moulins de Saint-Marcellin. (Arch. Isère, B 4392.)
En 1742, c'est le marquis de La Sône, Aymar-Félicien de Boffin, qui est propriétaire du moulin de Saint-Marcellin. Les habitants de notre ville et ceux des villages voisins sont obligés, sous peine d'amende, de faire moudre tous leurs grains dans le moulin de Monsieur de Boffin (45). Et cela, jusqu'en 1750.


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(21) Ou «Hugonin de Chalon », selon les différents traducteurs. Il était receveur des tailles. Humbert II lui avait fait donation de cette maison à Saint-Marcellin, avec ses droits et appartenances, en raison de ses bons services. Elle joignait «la maison et vigne de Jeanne Pelissière de deux cô· tés, Michel Fabri, à la maison de Denis Piétor d'autre, la vigne de l'église de St-Marcellin d'autre, à la charge que ladite maison serait du fief du dauphin et de ses successeurs ».

Le 2 mars 1349, après la mort de Hugues de Chalon (qui habitait ladite maison depuis le 29 septembre 1341), Humbert-Dauphin en fit don à Berton Trabuc. (Cf. Arch. Isère, Chambre des comptes, série B 4408, fO 272, «Mir.utes d'Humbert Pilati, notaire du Dauphin)

(22) Clément VI, pape, de 1342 à 1352. Il résida à Avignon.

(23) Jean II, dauphin de Viennois, le père d'Humbert II, mort à Pont-de-Sorgues le 5 mars 1319 (cf. à II) du présent chapitre.

(24) Jean Nicolet (ou Nicollet), de Crémieu, en qualité de secrétaire delphinal ordinaire. De 1343 à 1395, il rédigea pendant ce long espace de plus d'un demi-siècle, quantité d'actes importants comportant la déclaration de nombreux hommages prêtés au Dauphin. Cela forme un protocole de quatre registres in-folio sur vélin en fort bon état et bien conservés, déposés aux archives de Grenoble. Il exerçait encore ses fonctions en 1399, époque à laquelle on lui substitua, à cause de son grand âge, son fils François Nicolet, qui lui était adjoint depuis plusieurs années. Il mourut quelque temps après, en tout cas avant l'année 1410. Un autre de ses fils, nommé « Jean », comme lui, était notaire en 1374. En 1440 et 1448, un saint-marcellinois nommé Simon Galbert, signa également des actes notariaux.

(25) Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs avait été érigée en ville franche et cité delphinale (Villa nova Sancti Stephani de San Juerz), dès l'an 1314 par le dauphin Jean II. Ces libertés prouvent l'ancienneté de ce bourg' dont Il cbâteau, au commencement du XIVe siècle, servit souvent de demeure aux Dauphins.

(26) C'était, à l'époque, un titre très recherché que celui de «boUl ~eois », car il occupait le premier rang après les titres de noblesse.

(27) Signifie: en outre, de plus.

(28) Le sou delphinal du temps d'Humbert II pèse 0,95 gramme, et porte d'un côté cette inscription: H. DALPH. VIEN., et de l'autre cette légende : COlVIE ALBONIS.

(29) Nous savons déjà que dans la seconde moitié du XIII' siècle (entre 1250 et 1300), sous le règne de Guigues VI (dit: Guigues-André), il n'y avait pas trace de murailles à Saint-Marcellin, formant une enceinte efficace et construite en maçonnerie. Cela prouve sans aucun doute que la construction de notre rempart, qui a pu commencer au début du XIV' siècle, n'était pas achevée en 1343: ( ... ) «jusqu'à ce que Saint-Marcellin soit entièrement environné de murs et de fossés » ... Mesures que devaient avoir les murailles : « 18 nieds de hauteur sur 5 d'épaisseur ». (D'après R. Bonnat, ouv. cité, p. 9),

Mesures des fossés : «40 pieds de largeur et de profondeur », ainsi que l'indique la charte. «Ils seront commencés avant la prochaine fête de Saint· Michel» : est-ce à dire qu'avant d'entreprendre de les entourer a'eau, il a bien fallu que les remparts fussent achevés pour ce faire.

La totale édification de notre enceinte fortifiée a dû nécessiter un assez long temps. comme on en juge ... (N. de l'A.).

La construction et l'entretien des remparts fut, dès le XIII' siècle, à la charge des bourgeois contre le paiement de la redevance en nature appelée « vingtain ».

Les Dauphins Humbert le, - et surtout Jean II et Guigues VIII - par une politique d'affranchissement des communautés d'habitants, eurent re· cours à elles pour le recrutement de milices (ou pour la fortification des remparts de leurs bourgs), /trâce à quoi ils constituèrent une ligne défensive de places fortes contre l'ennemi.

En 1368, sous le rÈ'l1ne de Charles V (( le Sage»), des lettres du gouver· neur du DauDhiné - Raoul de LouDY - autorisèrent les habitants de SaintMarcellin il établir un impôt sur les blés à moudre, les farines et le vin «pour fortifier leur ville »'. (Arch. Isère, B 3234,)

(30) Autrement dit: Chevrières.

(31) La communauté de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs entre autres avait droit de paquerage et de bûcher age dans toute la forêt delphinale de Chambarand.

(32) Guy Allard, «Dictionnaire du Dauphiné », tome II, après nous avoir rappelé «qu'en 1343, le Dauphin Humbert II accorda aux habitants de SaintMarcellin plusieurs franchises, particulièrement de péages et autres droits, ne se réservant que la pêche », fait état que «les commissaires pour ralié« nation du domaine en cette province leur permirent, moyenant 200 écus « d'or, pesant 64 au marc de Paris, d'imposer pour la construction et répa« rations de leurs murailles, chemins, fontaines et pour leur entretien à pel" « pétuité certains tributs, savoir: sur chaque charge de vin qui se vend au « détail dans le mandement: 4 pintes ; sur chaque bête chargée de mar« chandise, passant par la ville et son mandement ou bête portant bât: un « denier tournoi; chaque bête à vendre, soit cheval, mulet, bœuf, vache. « âne, brebis, pourceau, chèvre et veau : 1 denier; sur chaque marchan« dise excédant 5 sols, qu'on sort de la ville, vendue à des étrangers: « 1 denier. »

(33) Ban de vin (1311-1350). C'est à un Saint-Marcellinois, Jean Tardin, qu'était albergé le ban de vin de Chevrières, pendant le mois d'août, «sous « la cense annuelle et perpétuelle de 5 sous gros tournois d'argent du roi de « France, marqués d'un 0 rond, de bon poids ».

(34) Ce principe légal était g-énéralement admis au XIVe siècle.

(35) La sétérée équivalait à 900 toises carrées, ou 36 ares.

(36) L'antique manoir féodal a disparu, mais l'ensemble des bâtiments curiaux encore appelé de nos jours «le Château» s'élève sur son emplacement primitif, à l'intérieur des remparts et sur un terre-plein sis au flanc de la colline de Joud.

(37) La toise équivalait à 1,949 mètre.

(38) Ce florin et ce quartaI de blé n'étaient point donnés en réalité. Seulement, les propriétaires étaient exonérés d'une part correspondante des impôts annuels.

(39) En 1474-1480, c'est un nommé Jean Chabert, dit Folod, marchand à Saint-Marcellin, qui fut albergataire d'un «plaçage de trois toises de long sur autant de large, près de la grande place, sous la cense annuelle de 2 deniers ».

(40) Humbert II avait de fréquents rapports avec son oncle, le Roi de Sicile. Le 2 novembre 1340, Robert, roi de Sicile, lui accorda la juridiction supérieure de toutes les terres que ce dernier possédait dans le royaume de Sicile. (Cf. H. Pallias, «Ephémérides dauphinoises », p. 92.)

(41) Ces fossés durent contenir du poisson longtemps, puisque, SOU& Charles VI (1380-1422), il y eut rappel de ce « droit de pêche» exclusivement seigneurial. Nos pêcheurs locaux avaient dû sans doute enfreindre la loi...

(42) Le faucon, que les seigneurs seuls pouvaient porter sur le poing.

(43) Ce grand sceau était en cire verte, et suspendu par six cordons er; soie de couleur verte également. Il portait l'empreinte des armoiries delphinales (v. à renvoi 5, chapitre deuxième), accompagné d'une tour qui ne doit être considérée que comme un souvenir des armes paternelles d'Humbert II, issu de la maison de la Tour-du-Pin.

(44) Sept rois de France au moins, par lettres de confirmation, ont dans la suite approuvé la charte d'Humbert II. Ce sont les lettres de Charles V (du 16 juillet 1350, données à Vienne) ; de Charles VI. du 10 novembre 1408 ; Charles VIII, de mars 1489 ; François 1er, de janvier 1515 ; Henri II, «d'avant Pâques de 1547» ; Henri IV, d'octobre 1601 et en 1606 ; Louis XIII, d'octobre 1628. Toutes ces libertés de Saint-Marcellin ont été entérinées par des arrêts du Parlement de Grenoble, exemple: celui du 3 septembre 1490 (sous Charles VIII), du 18 janvier 1539 (de nouveau sous François Ier), etc.

Essor que va prendre la ville

Humbert II, qui avait pardonné facilement aux habitants de Saint-Marcellin le différend de 1343 que l'on sait - lequel avait coûté 300 florins d'amende à nos compatriotes - et qui affectionnait particulièrement le site, va donner à la ville un essor continu.
La fortune de notre cité, qui, cependant, n'avait encore pas de four banal, est désormais faite (18).
Indépendamment de la proximité de Saint-Antoine qui l'y aide, elle le devra aussi à sa position proche de la Cour delphinale de Beauvoir-en-Royans, laquelle a des exigences royales: vêtements chamarrés d'or et d'argent, armes ciselées, toilettes féminines somptueuses, bijoux, parfums, repas qui sont quotidiennement autant de banquets fastueux, etc., bref, c'est bien à juste titre que l'on dit que Beauvoir fut le «Versailles dauphinois ».
Le marché s'y accroit chaque jour et les Carmes n'y perdront pas: jusqu'en 1717, ces religieux percevront sur toutes les marchandises le droit de leyde (19).
Nombre de commerçants divers, et jusqu'à des orfèvres même, viennent s'installer dans nos murs.
De plus, les communications sont relativement faciles: on suit la rive gauche de la Cumane, sur le territoire de l'actuelle commune de Saint·Sauveur; puis, on franchit. l'Isère en face du «port» de Beauvoir dont le développement suit l'évolution de la vie de plus en plus intense du château.
En outre, Humbert a soin de faire agrandir la cité et l'autorise à s'imposer extraordinairement pour qu'elle construise ses remparts. Les murs, qui furent alors bâtis en maçonnerie, n'avaient pas moins de dix-huit pieds de hauteur sur cinq d'épaisseur (20). Ils étaient flanqués extérieurement de quinze tours carrées massives plus deux autres tours rondes, dont le dernier vestige - la tour de la place «Lacombe-Maloc» - est tombée en 1951 sous le pic des démolisseurs, par souci d'urbanisme pour la commodité de la circulation.
Le Dauphin fit don aux habitants de Saint-Marcellin du terrain compris à l'intérieur des remparts, et poussa même la générosité jusqu'à abandonner à la ville, pour trois années, les revenus de son château de Chevrières.
Nous allons connaître bientôt dans le détail, les nombreux avantages accordés à notre cité et à ses habitants, par Humbert II. Mais sachons que déjà, le bourg était administré par quatre consuls. Enfin, en 1343 (les 4 et 14 juillet), c'est-à-dire six ans avant de céder le Dauphiné au futur roi de France, Humbert II accorda aux SaintMarcellinois la garantie des droits qu'ils avaient déjà en partie « pour le présent et l'avenir» - plus certaines clauses supplémentaires nouvelles - dans un long parchemin rédigé en latin et dans lequel il confirmait ces libertés et ces franchises.
Si le lecteur nous permet cette digression, notons au passage que Valbonnais (Mémoires sur le Dauphiné, p. 8), se montre peu enthousiaste pour les règlements appelés «Franchises» où, «sous prétexte de libertés et de privilèges, les seigneurs mettaient leurs sujets à rançon et leur faisoient acheter chèrement l'impunité de leurs crimes ». Ces lois particulières rappelaient souvent, en effet, les coutumes des anciens Bourguignons, «dont il semblait qu'elles eussent conservé les mœurs et «la police dans un pays autrefois sujet à leur domination ».
Cependant, puisque nos pères attachaient une grande importance à ces libertés, elles constituaient certainement un progrès. L'analyse de celles de Saint-Marcellin plus que toutes les dissertations, permettra mieux d'en juger et de se faire une opinion.

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(18) La charte d'Humbert-Dauphin, du 4 juillet 1343, en fait foi comme on va le voir ci-après. Ce n'est que par lettres patentes du 10 juillet 1355 que Charles-Dauphin (le futur Charles V), autorisera la ville à construire deux fours à pain, «pour en employer les revenus à la réparation des fontaines du dit lieu ».

(19) Droit perçu sur tout ce qui se pesait ou se vendait à la pièce, depuis la paille jusqu'à la viande, à l'étal des boucheries. Les jours de foire et de marché, ce droit était doublé. Ce droit féodal permettait au seigneur de fournir les mesures et poids sur les marchés.

(20) D'après R. Bonnat: «Histoire de Saint-Marcellin ». p. 9. Le pied équivalait à 0,3245 m. Voir aussi notre étude plus approfondie des remparts à chapitre XII.

Le "Conseil Delphinal"

Humbert II, auprès de qui notre ville était très en faveur, résolut de faire mieux encore que ses prédécesseurs pour la développer et l'enrichir. Ce «mieux» va s'appeler le Conseil delphinal. SaintMarcellin va avoir une nouvelle caste: celle des gens de lois (10).
Ainsi, par un édit du 22 février 1337 - à l'instigation du jurisconsulte Amblard de Beaumont, son protonotaire et secrétaire delphinal (11) - Humbert II établit à Saint-Marcellin ce tribunal composé de sept membres, qu'il avait créé à Beauvoir le 1 cr mars 1336 (12). Cette juridiction politique et judiciaire reçut de lui le pouvoir de juger souverainement et en dernier ressort les affaires du prince aussi bien que celles de ses vassaux: rédaction des ordonnances et application des mesures propres à assurer la conservation du domaine delphinal ; enquêtes contre les officiers du prince; procès des religieux et des pauvres, et même ceux concernant de puissants personnages.
Le Conseil delphinal juge enfin en second appel, des sentences du juge-mage des appellations. Deux vassaux en litige peuvent aussi le choisir comme Cour arbitrale. Il a même des attributions financières, telles par exemple l'examen des comptes des officiers delphinaux, etc.
Ce tribunal, qui se substituait aux juridictions rivales des seigneurs - qui jusque-là n'avaient guère ménagé les intérêts du peuple - comprenait outre des notables, des membres de la noblesse et du clergé. Composé d'un président, chancelier du Dauphiné (13). d'un procureur fiscal et de six conseillers - dont deux légistes et quatre hommes d'armes - il réunissait comme on voit les attributions à la fois d'un Conseil d'Etat, d'une Chambre des Comptes et d'un Parlement.
Voici quelle fut la composition du premier Conseil delphinal ayant siégé à Saint-Marcellin. Etaient présents à cette assemblée:
Guillaume Mitte, abbé de Saint-Antoine-en-Viennois ;
Frère Humbert de La Balme (ou Baume), commandeur de SaintPaul-Iès-Romans ;
Nicolas Constans et Bertrand Eustache, chevaliers et juriconsultes, docteurs-ès-lois ;
Pierre d'Herbeys, chevalier ;
Jacques Têtegrosse de Valerno et Jean de Saint-Vallier, docteurs-ès-Iois.
Le Conseil delphinal élut domicile dans l'immeuble du n° 1 de la rue Jean-Baillet, au-dessus de l'ex-librairie Duc (Bertrand, actuelle) (14). Tous ses membres, qu'ils fussent juges de la grande Cour, de la Cour des Comptes ou de celle des « appellations du Dauphiné» (dont nous parlerons dans la suite), notaires publics, maîtres rationaux, auditeurs des comptes ou bien procureur du Viennois, étaient tenus de résider dans la ville.
Ce Conseil était à peine nommé que le dauphin se mit en devoir de le remanier, le réduisit même, résolut de ne conserver dans l'assemblée qu'un ancien membre, et le 6 avril 1340, sa composition devenait la suivante :
Nicolas Constans, chevalier, docteur-ès-lois, chargé de la garde du sceau du Conseil, qui assurait en même temps la présidence ;
Roux ou Raoul de Comiers, chevalier; Jacques Brunier, docteur-ès-lois ;
Roux de Chevrières, docteur-ès-lois ; Raymond Falla vel, chevalier, jurisconsulte ;
Michel de Clerc de Césane, dit également Michel de Césane, jurisconsulte (15).
Finalement, par lettres du 1" août 1340, Humbert II transféra le Conseil delphinal à Grenoble - où en fait il fonctionnait déjà depuis avril de cette année-là - lequel par le bon vouloir de Louis XI devint en juin 1453 le Parlement du Dauphiné (16).
Notre ville ne se trouva pas désavantagée tout à fait, et même, en 1343, Saint-Marcellin devint le siège de la «grande Cour et judicature du Viennois et Valentinois et de plusieurs principales appellations, », le dauphin ayant estimé que la cité présentait dans ses Etats une position très centrale, et constituait dans le Bas-Viennois un lieu facilement accessible.
Mais Humbert II, qui était d'une humeur changeante, eut tôt fait de se rétracter. Après l'échange qu'il avait fait avec le pape, de Visan contre la ville de Romans, en 1344, il « voulut et ordonna que la Cour et juridiction du bailliage du Bas-Viennois séant à SaintMarcellin, se tiendrait perpétuellement en ladicte ville de Romans ( ... ) pour icelle fera mieux peuplée et abondante, et aussi pour le proffict, bien et commodité des subjetcs et ressortissans de ladicte juridiction» (17).
Or, cette fois, la nouvelle entorse à ce qui était, dû au tempérament instable du dauphin, lésait vraiment la ville de Saint-Marcellin, qui ne conservait guère que le «juge du Viennois », en l'occurrence. Les habitants se soulevèrent contre Humbert, outrés de 1'abus de pouvoir qu'il exerçait envers ses magistrats. Le prince leur infligea pour cette rébellion, par lettres patentes datées de Romans, du 10 avril 1345, une amende de 300 florins d'or delphinaux, qu'ils durent lui payer en signe de soumission.
Les démêlés entre nos gens et leur seigneur n'étaient pas achevés pour autant, puisqu'une lettre du 6 novembre 1347, datée de SaintMarcellin, fait encore état d'une transaction entre le dauphin Hum· bert II et les habitants de notre cité, par laquelle ces derniers s'engagent à payer au Dauphin 100 florins d'or, « à condition qu'il laisse dans leur ville le siège de la judicature du Viennois et Valentinois, et qu'il confirme leurs franchises» (Arch. Isère, B 3286).
Cette «Cour des Juges» subsistera à Saint-Marcellin jusqu'au début du XV, siècle, époque à laquelle notre ville devint l'un des trois sièges du bailliage dit «de Viennois ».
Avant de terminer, notons que le «Conseil delphinal» fut appelé à siéger pour un temps en notre ville, chassé de Grenoble par la peste, en 1420. (Voir à l'annexe II : Un arrêt du Conseil delphinal prononcé à l'encontre d'un Saint-Marcellinois, en 1385, ainsi qu'un autre promulgué à Saint-Marcellin pendant l'épidémie de peste.)

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(11) Amblard de Beaumont. à qui Humbert II fit le don. en 1334, de sa terre de Montfort et de Crolles, avait épousé Marguerite de Sassenage. Devenue veuve, celle-ci devint la maîtresse de Louis II (futur Louis XI encore « dauphin ») qui lui donna deux filles: l'une, Jeanne, qu'il maria à Louis, bastard de Bourbon, à qui il avait donné en 1465 la riche châtellenie de Moras-en-Valloire; l'autre, Marie, qu'Aymar de Poitiers, seigneur de SaintVallier, épousa à Chartres en juin 1467, en présence du «père », autrement dit Louis XI... (D'après N. Chorier, ouv. cité, tome II).

(12) A Beauvoir, cette institution appelée « Grand Conseil ». corps à la fois judiciaire et politique, comprenait à l'origine quatorze membres; neuf chevaliers et trois juristes devaient habiter continuellement l'hôtel de la Dauphine, l'épouse d'Humbert II demeurant presque tout le temps à Beauvoir.

(13) Le Conseil delphinal, dans les premiers temps, n'eut pas de président désigné ou en titre: un des conseillers avait la présidence.

(14) Voir à I) du présent chapitre.

(15) D'après 1'« Inventaire sommaire des archives départementales ». tome II, p. 18, par Pilot de Thorey et Prudhomme. Grenoble (1884).

(16) A Grenoble, le premier palais de justice fut d'abord construit dans 18. «rue des Clercs ». Ce ne fut qu'en 1453 que le dauphin fit bâtir le nouveau, sur le frontispice duquel il fit placer sa statue pédestre, celle de l'empereur Charlemagne et la statue de la justice au milieu. (Manuscrit de l'avocat Marbot.)

(17) Cette révélation d'après un arrêt du Conseil privé du roi Fran· çois le, du 17 décembre 1538.