Charte d'Humbert II

Charte d'Humbert II (des libertés, franchises et privilèges concédés aux habitants de Saint-Marcellin, par luimême et par les Rois et Dauphins de France qui lui succédèrent).

Or donc, le 4 juillet 1343, le dauphin Humbert II descendit de Beauvoir avec toute sa cour, pour se rendre à Saint-Marcellin à la demande des habitants. Il logera dans la maison de Hugues de ChâIons (Cabillionis) (21).
Assisté des notables et habitants présents - dont l'acte qui va suivre porte les signatures - Nicollet de Crémieu, secrétaire d'Hum· bert, rédigea cette charte dont voici la teneur :
"Au nom de Notre Seigneur, sachent tous présents et à venir par la présente charte, que l'an mil trois cent quarante-trois et le qua· trième jour du mois de juillet, Notre Saint Père Clément, sixième du nom, par la Providence de Dieu étant pape, et la seconde année de son pontificat (22), très illustre Prince Monseigneur Humbert Dauphin du Viennois, fils d'heureuse mémoire de Monseigneur Jean (23) Dauphin du Viennois, en présence de moi Nicollet de Crémieu (24), par autorité apostolique et impériale, du Roi de France et de Monseigneur le Dauphin, Notaire public, a de son bon gré, ayant le tout bien considéré, concédé aux habitants de Saint-Marcellin les privilèges qui suivent, en raison de l'amitié que porte Mondit Seigneur aux personnes dudit lieu et des services qui lui ont été rendus par ces mêmes personnes;

Considérant d'ailleurs qu'il importe que Saint-Marcellin puisse plus facilement se peupler;

A ces causes, Monseigneur le Dauphin agissant pour lui et ses héritiers et successeurs quelconques, déclare francs et libres les habitants du lieu et paroisse de Saint-Marcellin, ainsi que leurs serviteurs et domestiques et leur postérité, sous les conditions suivantes:

Premièrement, Monseigneur Humbert Dauphin a donné, concédé et accordé, donne, concède et accorde aux personnes et habitants présents et à venir du lieu de Saint-Marcellin, quel que soit leur sexe, à leurs serviteurs et à leur postérité, et pareillement à moi notaire, stipulant solennellement en leur nom comme personne publique, telles et semblables libertés, franchises et immunités, telles et semblables prérogatives, privilèges et indulgences qu'ont les hommes et habitants du lieu et châtellenie de Saint-Etienne-de-SaintGeoirs, dans le diocèse de Vienne (25).

Voulant et ordonnant que les habitants de Saint-Marcellin jouissent désormais des mêmes libertés, franchises et immunités que ceux du lieu et châtellenie de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, et que chaque chapitre de la charte Stéphanoise soit fidèlement copié dans le présent écrit :
Monseigneur Humbert Dauphin, agissant pour lui et ses héritiers ou successeurs quelconques, donne, concède et accorde aux susdits habitants et à moi Notaire public les libertés et immunités qui suivent:
Premièrement: Tous les habitants présents et à venir du lieu de Saint-Marcellin et des« termes» (limites) seront dorénavant bourgeois de ce pays et appelés ainsi (26).
Item (27) : Lesdits bourgeois pourront librement choisir chaque année parmi eux quatre Syndics, Consuls ou Procureurs, dont un portera le nom de châtelain, et aura un substitut appelé lieutenant de châtellenie, si cela est nécessaire. Les syndics et consuls, élus par les bourgeois de Saint-Marcellin prêteront serment sur les saints Evangiles et jureront, en présence des bourgeois, de défendre et de conserver les avantages de Saint-Marcellin et de bien administrer les affaires dudit lieu. Il sera donné aux syndics, consuls et procureurs, et à chacun d'eux toutes les années, pour leur peine et vacation, cent sous (monnaie Viennoise courante), aux dépens de la communauté (28).
Item: Lesdits syndics, consuls et procureurs, avec l'avis du Conseil et le consentement des autres habitants du dit lieu, auront le pouvoir de recevoir gratuitement au nombre des bourgeois de SaintMarcellin tout étranger de n'importe quelle condition, qui viendra se fixer dans cette ville. Toutefois, ceux qui désireront demeurer dans ce pays seront tenus d'y acheter une maison d'habitation. De plus, les étrangers seront obligés de rendre hommage très-haut et très puissant Monseigneur le Dauphin ou à son châtelain, et de jurer qu'ils observeront rigoureusement les règles contenues dans le présent écrit. Ils seront tenus en outre de contribuer aux tailles communes, vingtain et autres charges et impositions qui devront être supportées par ledit lieu. A ces conditions seulement, ils jouiront des libertés concédées dans le présent acte.
Item: Les habitants de Saint-Marcellin pourront avoir dans ce lieu un four banal, pour y faire cuire leur pain et de la nourriture, suivant leur volonté.
Item: D'après une décision de Monseigneur le Dauphin, la grande Cour, la Cour des principales appellations du Dauphin et celle des Comptes sont établies dans Saint-Marcellin. En conséquence, les juges desdites Cours, les procureurs, les notaires publics, les maîtres rationaux, les auditeurs des comptes et le procureur du Viennois seront obligés de résider dans cette ville. Néanmoins Mondit Seigneur le Dauphin se réserve la faculté de créer un siège judiciaire dans sa terre de La Tour-du-Pin.
Item: Les bourgeois de Saint-Marcellin auront à payer le vingtain et un autre impôt à leurs officiers, pour en employer le produit dans la construction des murailles de la ville, jusqu'à ce que SaintMarcellin soit entièrement environné de murs et de fossés (29). Ces fossés auront quarante pieds de largeur et de profondeur et seront remplis d'eau. Ils appartiendront ainsi que leurs francs bords à Monseigneur le Dauphin et à ses héritiers et successeurs. Ils seront commencés avant la prochaine fête de Saint-Michel. Pour subvenir à la dépense, Monseigneur le Dauphin donne et accorde aux bons habi· tants de Saint-Marcellin toutes les cences et rentes de son château de Cap1'iliarum (30), pendant trois années consécutives, ou la valeur de ces rentes en argent comptant.
Item: Lesdits habitants de Saint-Marcellin doivent à Monseigneur le Dauphin et à ses héritiers, suivant les besoins du temps, le service militaire pendant huit jours continus et complets, chaque année, à leurs dépens, à la charge toutefois que Mondit Prince Dauphin de les congédier après ce laps de temps. Si le congé leur fait défaut, les bourgeois pourront se retirer sans représentation ni punition quelconque.
Item: Lesdits bourgeois et leurs successeurs pourront désormais couper du bois à bâtir et du bois de chauffage dans la forêt de Chambarand, qui appartient à Monseigneur, sans toutefois porter préjudice aux droits des autres communautés (31).
Item: Les habitants de Saint-Marcellin et leurs héritiers payeront seulement la moitié de la subvention annuelle accordée aux prêtres de ladite paroisse.
Item: Les bourgeois de Saint-Marcellin et leurs héritiers pourront désormais transporter dans cette ville, au moyen de chariots, du sel et du vin sans payer péage et gabelles, leydes, droits d'entrée, de sortie et autres droits. Toutefois, ces mêmes impôts seront payés, suivant la coutume, par les habitants de Saint-Marcellin, dans les autres localités, et le produit de ces droits seigneuriaux appartiendra soit à Monseigneur le Dauphin et à ses héritiers, soit à ceux et à celles qui auron( pouvoir et puissance d'en exiger le paiement (32). Par exception, il sera permis à tout habitant de Saint-Marcellin de transporter où bon lui semblera un quartaI de se! ou un barraI de vin, sans payer aucune espèce de droit.
Item: Quiconque blasphèmera le saint nom de Dieu ou celui de la bienheureuse Vierge Marie payera, chaque fois, à Mondit Seigneur Dauphin, la somme de douze deniers. Celui qui jurera, étant requis de dire la vérité, sera laissé à la discrétion des juges.
Item: Le lieu de Saint-Marcellin, ni par titre, ni par prescription, ne pourra jamais être séparé du Dauphiné. Monseigneur le Dauphin et ses successeurs légitimes seront toujours seigneurs absolus dudit lieu.
Item: Les héritiers et successeurs légitimes de Monseigneur le Dauphin seront tenus, à l'époque de leur avènement au pouvoi.r, et à la première réquisition des consuls et syndics de Saint-Marcellin, de promettre sous la foi du serment, qu'ils observeront inviolablement les susdites franchises. libertés et immunités. Néanmoins les bourgeois de cette ville seront obligés, avant cela, de rendre hommage à tout Dauphin nouveau, et de prêter serment de fidélité.
Item: Par ordre de Monseigneur le Dauphin, le ban de vin du mois d'août est aboli (33), c'est-a-dire que chacun des bourgeois de Saint-Marcellin pourra, au mois d'août, vendre ou acheter du vin, tant en gros qu'en détail. Toutefois, Mondit Seigneur Dauphin s'est réservé le droit seigneurial de douze deniers Viennois par charge de vin qui se vendra dans ledit lieu, soit en gros, soit en détail.
Item: Les bourgeois et habitants de ladite ville et leurs suc·· cesseurs pourront, dans tout le Dauphiné, réclamer le bénéfice desdites libertés, qu'ils voyagent pour leur commerce ou leur agrément S'ils viennent à se rendre coupables d'un crime, dans n'importe quel lieu du Dauphiné, ils seront jugés suivant leurs lois spéciales (34).
Item: Monseigneur Humbert Dauphin s'est réservé le droit: d'acheter, à Saint-Marcellin, un certain nombre de sétérées (35) de terrain pour y construire un château (36). L'emplacement de cette demeure seigneuriale sera ultérieurement fixé. Les propriétaires de cet emplacement seront payés d'après l'expertise faite par deux hommes prudents et honorables. Cette estimation du terrain sera faite sur les bases suivantes: à raison de chaque parcelle de terre ayant une largeur de quatre toises (37) et une longueur de six toises, on donnera au propriétaire dépossédé un quartal et un florin (monnaie courante) (38).
Item: Derrière la maison Lebourguignon, près de la demeure de Ponson Marcellat et tout autour de la halle de Saint-Marcellin, unf' grande place carrée sera ouverte, à laquelle aboutiront toutes les rues dudit lieu. Aux environs de la hane résideront les marchands drapiers, et chaussetiers, et les maîtres apothicaires (39).
Monseigneur Humbert Dauphin, agissant pour lui et ses héritiers et successeurs quelconques, promet aux bons habitants de SaintMarcellin et à moi notaire public, stipulant solennellement en leur nom, de maintenir intactes et inviolables les libertés contenues dans le présent acte.
Tout individu, quels que soient ses titres et qualités, qui se permettra de porter atteinte directement ou indirectement, publiquement ou d'une manière occulte, aux privilèges énumérés dans cette charte, sera sévèrement puni. Ses actes seront anéantis. Et cela, parce que Monseigneur le Dauphin veut et ordonne que les franchises par lui concédées soient respectées par tous, et que, d'ailleurs, les privilèges ne doivent jamais être diminués, mais augmentés et amplifiés.
Voici les limites de la communauté de Saint-Marcellin qui, seule, jouira des libertés ci-dessus indiquées:
A savoir le long d'un trait d'une arbalette par delà les Ormes de Saint-Marcellin tout droit jusqu'au Molard ou au lieudit «le Molard », c'est-à-dire la maison du Molard située et colloquée dans ladite franchise. Et dudit Molard, en visant droit, jusques au moulin de Jo (Joud) entre deux ormes situés dans le chemin qui tend à la maison dite de Le Pépin (ou Laubépin). Et dudit moulin de Jo à la maison de Alouyse située ici. Et de ladite maison jusques à la grange de Grollier, ladite grange enclose dans ladite franchise. Et de ladite grange jusques à la Solée (Saulaie), qui est au champ de Guigonnet Tardy. Et de ladite Solée jusques au dit lieu par delà les deux premiers ormes susdits suivant le trait d'une arbalette.
Ont signé le présent acte devant moi notaire public, les hommes et bourgeois du lieu de Saint-Marcellin dont les noms suivent:
Jean Cardun, Reynaud Rosset, Romanet de L'Hoste, André d'Ambérieu, Jean Grollier, Jean de Bourgoin, Guillaume Gavin, Michoudais, Hugon, Lanthelme, Galion, Jacques de Vothier, Ponson Marcellat, Bernard du Bâtier, Jean Gavin, Michel Fabre, Pierre Bourguignon, Guillaume de Lans, François de l'Orme, Jean Giraud, Antoine Rousset, Jean Chabert, Jean Ribot, Pierre Michal, Bertrand Gay, Michel Pépin, Martin de Lemps, Denisot Proby et Jean Pauthier.
Tous les bourgeois de Saint-Marcellin qui ont signé le présent acte, se sont rendus en présence de Monseigneur le Dauphin et agenouillés devant Lui, Monseigneur leur a donné à baiser successive .. ment sa main et son anneau secret; puis ils ont juré, sur les saints Evangiles, qu'ils lui seraient désormais fidèles ainsi qu'à ses suc' cesseu,rs.
Après cela, les habitants de Saint-Marcellin ont élu et nommé d'un commun accord les syndics, consuls et procureurs dudit lieu et communauté pour l'année courante, sçavoir: Jean Grollier, Ponson Marcellat, Romanet de L'Hoste, et André d'Ambérieu, lesquels ont promis de bien gérer les affaires de la communauté.
Fait l'an et jour que dessus par moi Notaire public, dans le susdit lieu de Saint-Marcellin et dans la maison de Hugon de Chalon (Cabillionis) et en présence de nobles et vénérables personnes, Messires: Pierre de Cadenet, Conseiller et Ambassadeur du roi de Sicile (40) ; Anselme d'Eynard; Rodolphe de Chevrières; De Romans; François de Cagne, seigneur de Montléan; Pierre Henrard de Chabert (Caberso); Guillaume de Charmes (Chamena); Dominique de Couraud; Vaginon de Simiane; Pierre de Lagnieu; Henri Garin; De La Tour; Jean Matha, de Grenoble, clerc et secrétaire de Monseigneur le Dauphin, appelés par moi notaire public, pour se souve-nir de ce qui est écrit dans cet acte.

Signé: Nicolet, de Crémieu."


ACTE ADDITIONNEL

"L'an et pontificat que dessus et le quatorzième jour du susdit mois de juillet, en présence de moi Notaire public, Monseigneur Humbert Dauphin désirant gratifier plus largement les habitants présents et à venir du lieu et communauté de Saint-Marcellin, a déclaré qu'il concédait aux susdits habitants et à leurs successeurs les nouveaux privilèges qui suivent:
Premièrement: Tous les bourgeois et leurs héritiers pourront à l'avenir apporter ou faire apporter, quand bon leur semblera, dans ledit lieu de Saint-Marcellin, toutes denrées ou marchandises, librement et sans payer aucun péage, huictain commun, ni aucune leyde, entrée ou sortie, ou autre impôt en usage. Toutefois lesdits habitants ne pourront exporter des vivres ou denrées dans les autres localités sans se soumettre aux droits et impôts en vigueur. Néanmoins, ils pourront exporter du vin et des marchandises destinées à la vente en détail; jusqu'à concurrence de la somme de vingt sous Viennois sans payer aUCun tribut.
Au surplus, bien que Monseigneur le Dauphin nous ait ordonné de transcrire dans le présent acte de la charte des franchises, libertés et immunités des habitants du lieu et châtellenie de Saint·Etiennede-Saint-Geoirs, néanmoins, Monseigneur ayant examiné avec attention la Charte stéphanoise, et l'ayant trouvée rédigée en bonne forme et signée par Etienne Villabois, par autorité et ordonnance impériale notaire public, a déclaré et déclare aux habitants de Saint· Marcellin et à moi notaire stipulant solennellement en leur nom que les libertés des bourgeois de Saint-Etienne seront également les leurs, bien qu'elles ne soient pas entièrement insérées dans le présent acte.
En premier lieu, Monseigneur le Dauphin, agissant en son nom et au nom de ses héritiers légitimes, déclare que les bourgeois de la communauté de Saint-Marcellin seront désormais exempts de la taille.
Item: Les biens et possessions des habitants présents et à venir dudit lieu, qui mourront «ab intestat» et sans laisser d'enfant, seront donnés sans aucun empêchement aux plus proches parents des défunts. Si, au contraire un habitant de Saint-Marcellin vient à mourir en laissant un testament, Monseigneur le Dauphin veut que ces dispositions testamentaires sortent leur plein et entier effet et soient inviolablement observées.
Item: Si quelqu'un essaye de blesser avec une épée un bourgeois de Saint-Marcellin., l'amende pour le délinquant sera de trente sous (monnaie courante). Si cette tentative criminelle a eu lieu au préjudice d'un étranger, l'amende sera seulement de quinze sous.
Item: Tout individu qui aura gravement blessé un habitant de Saint-Marcellin sans qu'il soit résulté une fracture d'un membre, payera une amende de soixante sous, et de trente sous seulement s'il s'agit d'un étranger.
Item: Si un membre de la victime a été coupé, le coupable payera une amende de vingt livres ou de dix, suivant que le crime aura été commis au préjudice d'un bourgeois de Saint-Marcellin ou d'un étranger.
Item: Si la blessure est mortelle et que mort s' ensui.ve, le coupable sera puni suivant la rigueur des lois.
Item: Si quelqu'un a frappé d'un coup de poing un habitant de Saint-Marcellin, l'amende sera de cinq sous pour le délinquant. S'il s'agit d'un soufflet, l'amende sera de dix sous. S'il y a eu effusion de sang, l'amende sera de trente sous. Si l'offensé vient à mourir, le coupable sera puni suivant le droit commun.
Item: Si un marchand de vin ou d'huile de Saint-Marcellin est conv(Jincu d'avoir employé une fausse mesure, il payera une amende de sept sous. Tout détenteur d'un faux poids payera une amende de trente sous.
Item: Quiconque aura commis un vol sera puni selon la rigueur des lois.
Item: Si deux personnes mariées sont prises en flagrant déli,t d'adultère, chacune d'elles payera une amende de trente sous. Les individus coupables de viol ou d'inceste seront punis suivant le droit commun.
Item: Tout individu qui prêtera un faux serment payera une amende de dix sous Viennois.
Item: Toute personne qui aura injurié un habitant de SaintMarcellin payera une amende de trois sous, si l'offensé se plaint par devant la Cour.
Item: Monseigneur le Dauphin, agissant en son nom et au nom de ses successeurs, promet de défendre et de prendre sous sa protection ses fidèles sujets, les habitants de Saint-Marcellin présent et à venir, et les étrangers fixés dans ladite ville depuis un an et un jour et ayant prêté serment de fidélité et d'obéissance.
Item: Les frais des procès qui seront jugés par la Cour sont limités de la manière suivante: la Cour est autorisée à prélever une somme estimée; cette somme sera payée par la partie condamnée. Si les frais du procès sont compensés, chaque plaideur en payera la moitié. S'il s'agit d'une affaire jugée sommairement, et sans écrit, les frais s'élèveront seulement à six deniers par livre de la chose en litige préalablement estimée. Si la partie condamnée prétend qu'elle ne peut pas payer les frais du procès, elle sera punie corporellement, suivant l'avis et jugement de la Cour.
Item: Monseigneur le Dauphin s'interdit désormais toute réquisition de vivres pour ses hommes et de fourrage pour ses chevaux, dans toute l'étendue du territoire de la ville de Saint-Marcellin.
Item: Monseigneur le Dauphin concède aux bourgeoi;; de sa bonne ville le droit d'aliéner leurs biens et possessions sans son consentement, en ayant soin de payer toutefois le treizième denier à son châtelain pour droits d'achat de vente.
Item: Monseigneur le Dauphin s'engage à faire accompagner et à protéger pendant trois jours et trois nuits tout habitant de SaintMarcellin qui voudrait se faire transporter avec ses biens dans un autre lieu.
Item: Quelques grandes que soient ses dettes et obligations, aucun habitant dudit lieu ne pourra être contraint par corps. En outre, il est absolument interdit aux créanciers de faire saisir les vêtements les meubles nécessaires, les bœufs et les instruments aratoires ou autres de leurs débiteurs.
Item: Aucun délinquant ne sera arrêté ou détenu dans ladite ville, à moins que son crime ne soit de nature à entraîner des peines corporelles.
Item: Monseigneur le Dauphin concède auxdits habitants le droit de pêcher dans toutes les rivières qui arrosent leur territoire, excepté dans les fossés de la ville, dans lesquels Monseigneur s'est réservé la faculté de pêcher (41).
Item: Monseigneur accorde encore aux bourgeois de SaintMarcellin le droit de chasser librement dans le territoire dudit lieu, à condition néanmoins de remettre à son châtelain un quart de la bête prise ou tuée, en supposant que ce soit un cerf, un sanglier ou un chevreuil. Toutefois lesdits bourgeois ne pourront chasser aux perdrix et aux faisans, que l'on ne peut prendre qu'avec l'oiseau (42). Ils ne pourront pas non plus se livrer à la chasse dans toute l'étendue des garennes seigneuriales de lapins ou autres animaux sauvages.
Item: Les habitants de Saint-Marcellin auront à choisir chaque année, parmi eux, un homme qui, dans les occasiO'l1,'s solennelles, portera la bannière de la communauté. Cet élu sera présenté au châtelain, lequel confirmera sa nomination, s'il le juge convenable.
Item: Le porteur de la bannière recevra à titre d'indemnité., pour chacune de ses vacations, la somme de deux deniers s'il ne sort pas de la ville, et celle de six deniers dans les autres cas.
Item: Le châtelain dudit lieu (de Saint-Marcellin), la Cour majeure de judicature de Vienne, le juge des appellations ainsi que ses officiers et justiciers devront désormais s'établir dans la ville de Saint-Marcellin. Tous les juges nouvellement arrivés à Saint-Marcellin jureront sur les saints Evangiles d'observer inviolablement toutes les libertés, franchises et immunités, contenues dans le présent acte.
Si la présente charte donne lieu à quelque difficulté d'interprétation, la question litigieuse sera résolue par Monseigneur le Dauphin ou par ses successeurs.
Si quelqu'un porte atteinte aux libertés ci-dessus indiquées, qu'il soit sévèrement puni. Si le coupable évite le châtiment qui lui est réservé, qu'il encoure l'ire (la colère) et l'indignation de Dieu, de la bénite Vierge Marie, de tous les saints et la sienne (celle du Dauphin).
Par la teneur de cet acte, Monseigneur Humbert Dauphin ordonne à tous présents et à venir, barons, vassaux et sujets, baillis, juges, châtelains et officiers municipaux d'observer et de faire main .. tenir les libertés, franchises et statuts des habitants de sa bonne ville de Saint-Marcellin.
Monseigneur le Dauphin commande en outre que des grosses ou expéditions du présent acte soient données à tous ceux des bourgeois de Saint-Marcellin qui en désireront.
Fait dans ledit lieu, l'an, jour et pontificat que dessus, par moi, Notaire public, en présence de nobles personnes: Pierre de Cadenet, Conseiller et Ambassadeur du roi de Sicile; Dragonnet de Châsteauneuf ; Guillaume de Chamena; Dom. de Couraud, écuyer; Vaginon de Simiane; Pierre de Lagnieu, et plusieurs autres témoins dignes de foi appelés par moi Notaire pour se souvenir de ce qui est écrit dans la présente charte.
Signé: Nicolet, de Crémieu."


AUTRE ACTE ADDITIONNEL

"Le dix-septième jour du mois de juillet de la présente année, Monseigneur le Dauphin a décrété que tout individu qui blesserait gravement un habitant de Saint-Marcellin ou qui lui briserait un membre serait puni suivant le droit commun.
Nous Humbert du Viennois, pour attester à tous présents et à venir la vérité des choses ci-dessus écrites, avons voulu sceller dE' Notre grand sceau la charte des libertés des bons habitants de SaintMarcellin (43) (44)."
Malgré les avantages, apparemment fort appréciables, qu'apportait aux «bourgeois» de Saint-Marcellin le statut delphinal qu'on vient de lire, la ville, toutefois, demeurait soumise à certains droits féodaux.
Dès l'année 1308, le dauphin Jean II avait fait don au seigneur de La Sône du moulin de Saint-Marcellin - sis à l'époque au «vieux faubourg» - ainsi que des privilèges qui y étaient attachés.
Le droit de mouture s'élevait à 24 pour cent, plus une livre pour cent pour le déchet.
Un siècle après, une transaction datée du 28 juillet 1408 avait lieu entre les consuls de Saint-Marcellin, André Leuczon et François I<'illon, le commandeur de Saint-Paul, de l'Ordre de Saint-Jean-deJérusalem, et noble homme Aymon Roger, propriétaire des moulins de Saint-Marcellin, pour le détournement des eaux de la rivière «de Cumana », qui menaçait les remparts et la tour de Saint-Marcellin.
Guillaume de l'Aire, passant à Saint-Marcellin, s'était rendu compte du péril que courait la ville par suite du débordement de la Cumane; aussi avait-il délégué Jean Legendre, conseiller delphinal, pour prendre les mesures nécessaires. Celui-ci ayant fait intervenir le possesseur des moulins et le Commandeur de Saint-Paul, du fief duquel ils relevaient les consuls de Saint-Marcellin s'engagèrent à payer à Aymon Roger une indemnité de 80 florins, pour le déplacement de son moulin. (Arch. Isère, B 3471.)
Cela prouve que l'exploitation des moulins de Saint-Marcellin n'alla pas toujours sans difficultés, dans l'ancien temps. Une autre transaction du 2 novembre 1598 entre noble Louis du Vache, conseiller au Parlement et noble Claude de La Porte, seigneur de l'Arthaudière, mit fin à une querelle les opposant au sujet des eaux du ruisseau de Cumane - encore elle! - et des moulins de Saint-Marcellin. (Arch. Isère, B 4392.)
En 1742, c'est le marquis de La Sône, Aymar-Félicien de Boffin, qui est propriétaire du moulin de Saint-Marcellin. Les habitants de notre ville et ceux des villages voisins sont obligés, sous peine d'amende, de faire moudre tous leurs grains dans le moulin de Monsieur de Boffin (45). Et cela, jusqu'en 1750.


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(21) Ou «Hugonin de Chalon », selon les différents traducteurs. Il était receveur des tailles. Humbert II lui avait fait donation de cette maison à Saint-Marcellin, avec ses droits et appartenances, en raison de ses bons services. Elle joignait «la maison et vigne de Jeanne Pelissière de deux cô· tés, Michel Fabri, à la maison de Denis Piétor d'autre, la vigne de l'église de St-Marcellin d'autre, à la charge que ladite maison serait du fief du dauphin et de ses successeurs ».

Le 2 mars 1349, après la mort de Hugues de Chalon (qui habitait ladite maison depuis le 29 septembre 1341), Humbert-Dauphin en fit don à Berton Trabuc. (Cf. Arch. Isère, Chambre des comptes, série B 4408, fO 272, «Mir.utes d'Humbert Pilati, notaire du Dauphin)

(22) Clément VI, pape, de 1342 à 1352. Il résida à Avignon.

(23) Jean II, dauphin de Viennois, le père d'Humbert II, mort à Pont-de-Sorgues le 5 mars 1319 (cf. à II) du présent chapitre.

(24) Jean Nicolet (ou Nicollet), de Crémieu, en qualité de secrétaire delphinal ordinaire. De 1343 à 1395, il rédigea pendant ce long espace de plus d'un demi-siècle, quantité d'actes importants comportant la déclaration de nombreux hommages prêtés au Dauphin. Cela forme un protocole de quatre registres in-folio sur vélin en fort bon état et bien conservés, déposés aux archives de Grenoble. Il exerçait encore ses fonctions en 1399, époque à laquelle on lui substitua, à cause de son grand âge, son fils François Nicolet, qui lui était adjoint depuis plusieurs années. Il mourut quelque temps après, en tout cas avant l'année 1410. Un autre de ses fils, nommé « Jean », comme lui, était notaire en 1374. En 1440 et 1448, un saint-marcellinois nommé Simon Galbert, signa également des actes notariaux.

(25) Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs avait été érigée en ville franche et cité delphinale (Villa nova Sancti Stephani de San Juerz), dès l'an 1314 par le dauphin Jean II. Ces libertés prouvent l'ancienneté de ce bourg' dont Il cbâteau, au commencement du XIVe siècle, servit souvent de demeure aux Dauphins.

(26) C'était, à l'époque, un titre très recherché que celui de «boUl ~eois », car il occupait le premier rang après les titres de noblesse.

(27) Signifie: en outre, de plus.

(28) Le sou delphinal du temps d'Humbert II pèse 0,95 gramme, et porte d'un côté cette inscription: H. DALPH. VIEN., et de l'autre cette légende : COlVIE ALBONIS.

(29) Nous savons déjà que dans la seconde moitié du XIII' siècle (entre 1250 et 1300), sous le règne de Guigues VI (dit: Guigues-André), il n'y avait pas trace de murailles à Saint-Marcellin, formant une enceinte efficace et construite en maçonnerie. Cela prouve sans aucun doute que la construction de notre rempart, qui a pu commencer au début du XIV' siècle, n'était pas achevée en 1343: ( ... ) «jusqu'à ce que Saint-Marcellin soit entièrement environné de murs et de fossés » ... Mesures que devaient avoir les murailles : « 18 nieds de hauteur sur 5 d'épaisseur ». (D'après R. Bonnat, ouv. cité, p. 9),

Mesures des fossés : «40 pieds de largeur et de profondeur », ainsi que l'indique la charte. «Ils seront commencés avant la prochaine fête de Saint· Michel» : est-ce à dire qu'avant d'entreprendre de les entourer a'eau, il a bien fallu que les remparts fussent achevés pour ce faire.

La totale édification de notre enceinte fortifiée a dû nécessiter un assez long temps. comme on en juge ... (N. de l'A.).

La construction et l'entretien des remparts fut, dès le XIII' siècle, à la charge des bourgeois contre le paiement de la redevance en nature appelée « vingtain ».

Les Dauphins Humbert le, - et surtout Jean II et Guigues VIII - par une politique d'affranchissement des communautés d'habitants, eurent re· cours à elles pour le recrutement de milices (ou pour la fortification des remparts de leurs bourgs), /trâce à quoi ils constituèrent une ligne défensive de places fortes contre l'ennemi.

En 1368, sous le rÈ'l1ne de Charles V (( le Sage»), des lettres du gouver· neur du DauDhiné - Raoul de LouDY - autorisèrent les habitants de SaintMarcellin il établir un impôt sur les blés à moudre, les farines et le vin «pour fortifier leur ville »'. (Arch. Isère, B 3234,)

(30) Autrement dit: Chevrières.

(31) La communauté de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs entre autres avait droit de paquerage et de bûcher age dans toute la forêt delphinale de Chambarand.

(32) Guy Allard, «Dictionnaire du Dauphiné », tome II, après nous avoir rappelé «qu'en 1343, le Dauphin Humbert II accorda aux habitants de SaintMarcellin plusieurs franchises, particulièrement de péages et autres droits, ne se réservant que la pêche », fait état que «les commissaires pour ralié« nation du domaine en cette province leur permirent, moyenant 200 écus « d'or, pesant 64 au marc de Paris, d'imposer pour la construction et répa« rations de leurs murailles, chemins, fontaines et pour leur entretien à pel" « pétuité certains tributs, savoir: sur chaque charge de vin qui se vend au « détail dans le mandement: 4 pintes ; sur chaque bête chargée de mar« chandise, passant par la ville et son mandement ou bête portant bât: un « denier tournoi; chaque bête à vendre, soit cheval, mulet, bœuf, vache. « âne, brebis, pourceau, chèvre et veau : 1 denier; sur chaque marchan« dise excédant 5 sols, qu'on sort de la ville, vendue à des étrangers: « 1 denier. »

(33) Ban de vin (1311-1350). C'est à un Saint-Marcellinois, Jean Tardin, qu'était albergé le ban de vin de Chevrières, pendant le mois d'août, «sous « la cense annuelle et perpétuelle de 5 sous gros tournois d'argent du roi de « France, marqués d'un 0 rond, de bon poids ».

(34) Ce principe légal était g-énéralement admis au XIVe siècle.

(35) La sétérée équivalait à 900 toises carrées, ou 36 ares.

(36) L'antique manoir féodal a disparu, mais l'ensemble des bâtiments curiaux encore appelé de nos jours «le Château» s'élève sur son emplacement primitif, à l'intérieur des remparts et sur un terre-plein sis au flanc de la colline de Joud.

(37) La toise équivalait à 1,949 mètre.

(38) Ce florin et ce quartaI de blé n'étaient point donnés en réalité. Seulement, les propriétaires étaient exonérés d'une part correspondante des impôts annuels.

(39) En 1474-1480, c'est un nommé Jean Chabert, dit Folod, marchand à Saint-Marcellin, qui fut albergataire d'un «plaçage de trois toises de long sur autant de large, près de la grande place, sous la cense annuelle de 2 deniers ».

(40) Humbert II avait de fréquents rapports avec son oncle, le Roi de Sicile. Le 2 novembre 1340, Robert, roi de Sicile, lui accorda la juridiction supérieure de toutes les terres que ce dernier possédait dans le royaume de Sicile. (Cf. H. Pallias, «Ephémérides dauphinoises », p. 92.)

(41) Ces fossés durent contenir du poisson longtemps, puisque, SOU& Charles VI (1380-1422), il y eut rappel de ce « droit de pêche» exclusivement seigneurial. Nos pêcheurs locaux avaient dû sans doute enfreindre la loi...

(42) Le faucon, que les seigneurs seuls pouvaient porter sur le poing.

(43) Ce grand sceau était en cire verte, et suspendu par six cordons er; soie de couleur verte également. Il portait l'empreinte des armoiries delphinales (v. à renvoi 5, chapitre deuxième), accompagné d'une tour qui ne doit être considérée que comme un souvenir des armes paternelles d'Humbert II, issu de la maison de la Tour-du-Pin.

(44) Sept rois de France au moins, par lettres de confirmation, ont dans la suite approuvé la charte d'Humbert II. Ce sont les lettres de Charles V (du 16 juillet 1350, données à Vienne) ; de Charles VI. du 10 novembre 1408 ; Charles VIII, de mars 1489 ; François 1er, de janvier 1515 ; Henri II, «d'avant Pâques de 1547» ; Henri IV, d'octobre 1601 et en 1606 ; Louis XIII, d'octobre 1628. Toutes ces libertés de Saint-Marcellin ont été entérinées par des arrêts du Parlement de Grenoble, exemple: celui du 3 septembre 1490 (sous Charles VIII), du 18 janvier 1539 (de nouveau sous François Ier), etc.

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