Essor que va prendre la ville

Humbert II, qui avait pardonné facilement aux habitants de Saint-Marcellin le différend de 1343 que l'on sait - lequel avait coûté 300 florins d'amende à nos compatriotes - et qui affectionnait particulièrement le site, va donner à la ville un essor continu.
La fortune de notre cité, qui, cependant, n'avait encore pas de four banal, est désormais faite (18).
Indépendamment de la proximité de Saint-Antoine qui l'y aide, elle le devra aussi à sa position proche de la Cour delphinale de Beauvoir-en-Royans, laquelle a des exigences royales: vêtements chamarrés d'or et d'argent, armes ciselées, toilettes féminines somptueuses, bijoux, parfums, repas qui sont quotidiennement autant de banquets fastueux, etc., bref, c'est bien à juste titre que l'on dit que Beauvoir fut le «Versailles dauphinois ».
Le marché s'y accroit chaque jour et les Carmes n'y perdront pas: jusqu'en 1717, ces religieux percevront sur toutes les marchandises le droit de leyde (19).
Nombre de commerçants divers, et jusqu'à des orfèvres même, viennent s'installer dans nos murs.
De plus, les communications sont relativement faciles: on suit la rive gauche de la Cumane, sur le territoire de l'actuelle commune de Saint·Sauveur; puis, on franchit. l'Isère en face du «port» de Beauvoir dont le développement suit l'évolution de la vie de plus en plus intense du château.
En outre, Humbert a soin de faire agrandir la cité et l'autorise à s'imposer extraordinairement pour qu'elle construise ses remparts. Les murs, qui furent alors bâtis en maçonnerie, n'avaient pas moins de dix-huit pieds de hauteur sur cinq d'épaisseur (20). Ils étaient flanqués extérieurement de quinze tours carrées massives plus deux autres tours rondes, dont le dernier vestige - la tour de la place «Lacombe-Maloc» - est tombée en 1951 sous le pic des démolisseurs, par souci d'urbanisme pour la commodité de la circulation.
Le Dauphin fit don aux habitants de Saint-Marcellin du terrain compris à l'intérieur des remparts, et poussa même la générosité jusqu'à abandonner à la ville, pour trois années, les revenus de son château de Chevrières.
Nous allons connaître bientôt dans le détail, les nombreux avantages accordés à notre cité et à ses habitants, par Humbert II. Mais sachons que déjà, le bourg était administré par quatre consuls. Enfin, en 1343 (les 4 et 14 juillet), c'est-à-dire six ans avant de céder le Dauphiné au futur roi de France, Humbert II accorda aux SaintMarcellinois la garantie des droits qu'ils avaient déjà en partie « pour le présent et l'avenir» - plus certaines clauses supplémentaires nouvelles - dans un long parchemin rédigé en latin et dans lequel il confirmait ces libertés et ces franchises.
Si le lecteur nous permet cette digression, notons au passage que Valbonnais (Mémoires sur le Dauphiné, p. 8), se montre peu enthousiaste pour les règlements appelés «Franchises» où, «sous prétexte de libertés et de privilèges, les seigneurs mettaient leurs sujets à rançon et leur faisoient acheter chèrement l'impunité de leurs crimes ». Ces lois particulières rappelaient souvent, en effet, les coutumes des anciens Bourguignons, «dont il semblait qu'elles eussent conservé les mœurs et «la police dans un pays autrefois sujet à leur domination ».
Cependant, puisque nos pères attachaient une grande importance à ces libertés, elles constituaient certainement un progrès. L'analyse de celles de Saint-Marcellin plus que toutes les dissertations, permettra mieux d'en juger et de se faire une opinion.

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(18) La charte d'Humbert-Dauphin, du 4 juillet 1343, en fait foi comme on va le voir ci-après. Ce n'est que par lettres patentes du 10 juillet 1355 que Charles-Dauphin (le futur Charles V), autorisera la ville à construire deux fours à pain, «pour en employer les revenus à la réparation des fontaines du dit lieu ».

(19) Droit perçu sur tout ce qui se pesait ou se vendait à la pièce, depuis la paille jusqu'à la viande, à l'étal des boucheries. Les jours de foire et de marché, ce droit était doublé. Ce droit féodal permettait au seigneur de fournir les mesures et poids sur les marchés.

(20) D'après R. Bonnat: «Histoire de Saint-Marcellin ». p. 9. Le pied équivalait à 0,3245 m. Voir aussi notre étude plus approfondie des remparts à chapitre XII.

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